Lettre DDSE 37 – novembre 2019
LA PERTINENCE DES MATERIAUX BIOSOURCES DANS LA CONSTRUCTION NEUVE DE LOGEMENTS
La DREAL Provence-Alpes-Côte d’Azur a décidé de lancer une démarche d’accompagnement des bailleurs sociaux de la région pour l’utilisation de matériaux biosourcés. Un appel à projets est lancé (date limite de dépôts des candidatures 24 juin 2020) pour octroyer des subventions spécifiques aux opérations de construction neuve de logements sociaux instruites et agréées en 2020 mettant en œuvre des matériaux biosourcés, en particulier provenant de filières locales (voir ci-dessous l’interview de Blaise Vergneaux).
Les matériaux biosourcés, c’est-à-dire issus du vivant, d’origine animale (laine de mouton, par exemple) ou végétale (bois, paille, riz…), concourent de façon significative au stockage du carbone atmosphérique et diminuent la consommation de matières premières d’origine fossile. En mars 2010, le Commissariat général au développement durable (CGDD) a identifié la filière des matériaux biosourcés comme l’une des filières vertes ayant un potentiel de développement économique élevé. Logiquement, la loi du 17 août 2015, relative à la transition énergétique, encourage l’utilisation de ces matériaux dans le secteur du bâtiment. Et la future réglementation environnementale, la « RE 2020 », devrait favoriser le recours au bois et plus généralement aux matériaux biosourcés.
Une gamme très large de produits
Cette catégorie de matériaux couvre une gamme beaucoup plus large que ce que l’on pense habituellement. Au-delà du bois, de la paille ou de la laine de mouton, on y trouve aussi par exemple la ouate de cellulose provenant des journaux recyclés, le textile recyclé, le liège, et encore le lin, le miscanthus ou… les plumes de canard, et plus particulièrement dans la région, la paille de riz, la paille de lavande ou le chanvre. L’appel à projets de la DREAL affirme cette volonté de valoriser les savoir-faire régionaux qui sont nombreux (voir plus loin l’interview de Nicolas Guignard).
La balle de riz, obtenue après décorticage des grains de riz, est quasiment imputrescible et inattaquable par les insectes.(photo DR)
Des filières locales qui se structurent
Dans cette optique, l’utilisation des matériaux biosourcés devient une réponse particulièrement adaptée à la réduction des émissions de carbone du bâtiment. Et contrairement à ce qu’on entend encore trop souvent, ils ne brûlent pas plus que les autres matériaux, peut-être même moins, puisque leur densité retarde la combustion et la propagation du feu. Des traitements chimiques appropriés les sécurisent par rapport aux nuisibles et la structuration des filières ces dernières années a amélioré la disponibilité et les techniques de mise en œuvre.
Aujourd’hui, on peut dire sans crainte de se tromper que les matériaux biosourcés ont une pertinence économique. Et au-delà des bénéfices environnementaux, indéniables, le rapport qualité-prix-performances est égal, voire supérieur, aux produits conventionnels. Le dernier avantage, et non des moindres, de ces matériaux est de pouvoir être directement produits sur le territoire de leur utilisation ou à tout le moins dans des périmètres très proches. Plusieurs filières locales en région Provence-Alpes-Côte d’Azur se structurent et se développent depuis quelques années. A côté du bois, le riz et la paille de blé sont les plus utilisés, mais les filières du chanvre ou de la ouate de cellulose commencent à s’organiser.
Toutes ces questions sur les matériaux biosourcés seront abordées le 13 décembre prochain lors d’un « Club DDSE » de l’Association régionale.
BLAISE VERGNEAUX : « NOUS VOULONS SENSIBILISER LES BAILLEURS SOCIAUX AUX PRODUCTIONS LOCALES DE MATERIAUX BIOSOURCES »
Blaise Vergneaux fait partie du service Energie Logement de la DREAL, chargé de mission politique immobilière de l’Etat et chef de projet filière verte, matériaux biosourcés. Il pilote le lancement de l’appel à projets « matériaux biosourcés » et explique que cette première édition 2020 cherche surtout à sensibiliser sur la pertinence de l’emploi de ces matériaux.
Pourquoi cet appel à projets lancé par la DREAL ?
Cela s’inscrit donc dans une politique nationale ?
Quel est votre objectif final ?
Vous allez privilégier ces productions locales ?
Vous annoncez une enveloppe de 200 000 euros pour l’année 2020. L’aide par logement se situera à 4 000 euros, ce qui fait donc une capacité maximale de 50 logements aidés. Est-ce que ce n’est pas un peu faible et est-ce qu’éventuellement cette enveloppe pourrait être élargie si besoin ?
C’est une première. Nous expérimentons la démarche. Effectivement, on peut considérer que l’enveloppe est faible au regard des 47 millions d’euros affecté par le FNAP à notre région en 2019, mais le but est d’amorcer un processus, de faire un état des lieux, de susciter un engouement. Nous avons prévu d’aider 50 logements en 2020, c’est un chiffre modeste, j’en conviens, mais si l’expérience est concluante, l’appel à projets pourra être reconduit en 2021 selon l’enveloppe disponible à ce moment-là.
Aujourd’hui, nous voulons susciter des questionnements chez les bailleurs sociaux, leur faire prendre conscience des capacités des matériaux biosourcés. Nous limitons également la subvention à deux opérations par bailleur de façon à toucher le plus de bailleurs possibles et nous n’avons pas fixé de taille minimale d’opération, du moment qu’il y a construction d’un logement social. Ce pourrait être une maison individuelle. Le but, cette année, est de sensibiliser le plus grand nombre.
Comment allez-vous diffuser cet appel à projets ?
Nous comptons beaucoup sur le partenariat avec l’AR Hlm PACA & Corse, qui est une interface et un partenaire essentiel de la DREAL depuis de nombreuses années sur tous les projets que nous montons avec les organismes Hlm. Nous allons aussi nous appuyer sur les réseaux professionnels, comme EnvirobatBDM par exemple, qui fera également partie du comité technique de suivi de l’appel à projets.
NICOLAS GUIGNARD : « C’EST FINI LA MAISON DES TROIS PETITS COCHONS ! »
Nicolas Guignard pilote le pôle Ressources d’EnvirobatBDM. Pour lui, les productions régionales de matériaux biosourcés sont largement en capacité de répondre à la demande du secteur de la construction, avec des filières qui se développent de façon très prometteuse.
Utiliser ce type de matériaux ne demande pas de conditions particulières d’installation ?
En Provence-Alpes-Côte d’Azur les productions sont-elles en capacité de répondre aux besoins ?
Il y a surtout un potentiel de développement important dans ces filières car aujourd’hui les quantités produites ne sont pas intégralement valorisées. Je vous donne quelques chiffres simples : 21 000 tonnes de paille de riz pourraient être valorisées pour une production brute de 50 000 tonnes, tout comme la balle de riz (8 000 tonnes sur 11 400), ou la paille de céréales (26 000 tonnes sur 130 000 produites). Il y a beaucoup de marge pour une valorisation spécifique au bâtiment.
Des filières sont déjà plutôt structurées comme le bois (avec le label Bois des Alpes), le riz (paille et balle) et la paille de blé. D’autres ont un potentiel plus faible, comme la balle de petit épeautre ou le liège en vrac. La paille de lavande, pour l’heure, est difficilement utilisable car le processus technique de séchage est lourd à mettre en œuvre, mais les choses peuvent évoluer.
Et qu’en est-il des prix ?
Cela dépend. Pour les panneaux isolants semi-rigides élaborés à partir de paille de riz on est dans les prix standards de panneaux isolants, sans surcoût spécifique. C’est un produit qui a reçu une ATEx (appréciation technique d’expérimentation) et qui s’utilise comme n’importe quel autre produit isolant. La balle de riz revient un peu plus cher et convient bien à des petits programmes de quelques logements.
En conclusion, vous diriez donc que l’appel à projets de la DREAL devrait intéresser les bailleurs sociaux ?Je le crois, mais il faut analyser opération par opération. En tout cas, les cadres réglementaires existent pour certains matériaux biosourcés, les prix sont maîtrisés et les performances réelles. Je rappelle que nous avons un centre de ressources chez EnvirobatBDM et que les organismes Hlm peuvent nous solliciter s’ils ont besoin de réponses à des questions spécifiques sur ces matériaux.
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Directeur de la publication : Pascal GALLARD,
Rédacteurs : Michel COUARTOU, Aurélien DEROCHE