En anticipation du déconfinement, et bien souvent à la demande des petites entreprises, la plupart des bailleurs sociaux constatent la relance de certains chantiers. Discussions en amont avec tous les acteurs pour négocier les surcoûts, réorganisation des modalités d’interventions sur le chantier, approche au cas par cas… Une télé réunion organisée le 21 avril par l’Association régionale a fait le point sur les choix de chacun.
(photo Michel Couartou)
Le 17 mars, tous les chantiers de construction de logements sociaux se sont arrêtés. Après plus d’un mois, et en prévision d’un déconfinement progressif, on observe depuis le 20 avril une très légère reprise. Une téléréunion, initiée par l’AR Hlm Paca & Corse le 21 avril, à laquelle près de 35 responsables de la maîtrise d’ouvrage des organismes de logement social ont participé, a permis de faire le point sur les modalités de ces prémisses de reprise dans le sud.
Des propositions nationales portées par l’USH
Huit jours avant, le 14 avril, l’Union sociale pour l’habitat a publié une note qui liste une série de propositions de reprise pour le secteur Hlm. Elle a par ailleurs créé un groupe de travail constitué de directeurs du patrimoine d’organismes Hlm pour identifier les surcoûts engendrés par cet arrêt brutal suivi d’une reprise progressive. Cette approche théorique devra être complétée par une évaluation pratique sur quelques cas concrets de chantiers qui redémarrent. Le but est de pouvoir anticiper les postes de surcoûts et surtout de prévoir les modalités de leur prise en charge financière. L’Union a proposé à la Fédération Française du Bâtiment (FFB) et à la Confédération des artisans et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) notamment de partager ces travaux avec elles.
Notre représentation nationale a également proposé à l’Etat une série de mesures pour compenser les surcoûts de la reprise des chantiers : un taux de Tva réduit pour les opérations concernées, un financement spécifique dans le cadre du NPNRU, un prêt à taux zéro de la Caisse des dépôts pour compléter ou se substituer aux prêts déjà accordés pour les opérations de construction, ou encore un allongement des durées de préfinancement pour les opérations dont la livraison sera différée. Pour l’heure, l’Etat n’a pas réagi à ces propositions.
Dans les Hauts-de-France, les acteurs du BTP (Fédération et Capeb), les constructeurs-aménageurs, le Conseil régional de l’Ordre des architectes et les bureaux d’études (Cinov) ont signé avec l’Ush des Hauts-de-France une « charte de bonnes pratiques pour la gestion des chantiers en situation de crise sanitaire » (on peut se procurer le texte de cette charte sur simple demande à l’AR Hlm PACA & Corse). En Bretagne quatre acteurs ont fait de même et en Pays de la Loire, des discussions sont en cours.
En Provence-Alpes-Côte d’Azur, trois réunions départementales ont eu lieu, sous l’égide des préfectures de département, dans le Vaucluse, le Var et les Bouches-du-Rhône, auxquelles l’Association régionale a été conviée en tant que représentant des bailleurs sociaux. Partout, on assiste à une volonté partagée de reprise de l’activité. Les petites entreprises sont les premières, situation économique oblige, à demander cette reprise, question de survie pour nombre d’entre elles. Deux prérequis sont posés par l’ensemble des acteurs, la sécurité sanitaire des personnels (équipements de protection, nettoyage régulier des lieux de vie, gestes barrières imposant une fréquentation moindre du chantier) et la mise en discussion des surcoûts.
Surcoûts et organisation nouvelle des chantiers : les deux grandes préoccupations
Car, bien entendu, les surcoûts engendrés sont une des préoccupations majeures des bailleurs et de leurs partenaires. Un thème très souvent cité lors de la téléconférence du 21 avril. Un consensus se fait jour en la matière : la grande majorité des organismes sont prêts à prendre une partie de ces surcoûts en charge, pour autant qu’ils soient discutés avec les entreprises et la maîtrise d’œuvre en amont de la reprise du chantier et que chacun en assume la part qui lui incombe.
Pascal Gallard a fait état de contacts techniques avec la Fédération régionale du Bâtiment (FRB) qui semble être sur la même position de partage du surcoût, après études au cas par cas. D’autres contacts ont également été engagés avec la Fédération départementale des Bouches-du-Rhône notamment autour de la sécurisation des chantiers arrêtés.
L’organisation pratique de la reprise du chantier est la deuxième préoccupation des bailleurs. La discussion a mis en évidence la place essentielle en la matière du coordonnateur SPS, dont la mission est presque toujours élargie pour assumer la supervision des modalités de reprise. Pour l’instant, les bailleurs font état de quelques chantiers qui redémarrent, – de l’ordre de 10 % des chantiers arrêtés – mais toujours « en mode dégradé », c’est-à-dire avec une seule entreprise présente, en « mono-activité » (ou au maximum deux) et donc un rythme ralenti. C’est très probablement là qu’apparaîtront les surcoûts les plus importants avec des délais de réalisation beaucoup plus longs que la normale, d’où la difficulté à pouvoir les objectiver et quantifier en amont.
Des négociations au cas par cas
D’une façon générale, chaque bailleur annonce étudier les situations au cas par cas. Les chantiers de gros œuvre, de terrassement ou de désamiantage peuvent reprendre beaucoup plus facilement, avec une seule entreprise concernée. Les chantiers de second œuvre et en corps d’état séparés posent de multiples questions, sanitaires bien sûr, mais aussi d’harmonisation, d’organisation et de co-activité. Dans certains cas, les entreprises demandent des avances, dans d’autres, c’est le référent Covid qui pose question (certains bailleurs préfèrent sous-traiter la mission au SPS, d’autres trouvent plus efficace de rémunérer leur propre référent), dans d’autres encore, les ouvriers qualifiés, de nationalité étrangère, sont rentrés chez eux et sont confinés dans leur pays…
La négociation, le dialogue, le compromis semblent être la manière la plus naturelle pour traiter tous ces cas particuliers. Une approche d’ailleurs partagée, sauf exceptions, par les entreprises et les maîtres d’œuvre. Tout cela, bien sûr, ne s’envisage que sur les chantiers de construction neuve. Pour ce qui est de la réhabilitation qui touche des bâtiments occupés, aucun chantier ne redémarre pour l’instant. La reprise nécessitera au minimum une communication avec les habitants. En zone urbaine, se pose la question d’un chantier sans contact avec le public.
Un groupe de travail pour établir un partenariat avec tous les acteurs
Reste quelques inquiétudes. Sur les logements en Vefa, par exemple, qui ne sont pas encore livrés. Beaucoup de bailleurs craignent une renégociation des conditions d’achat. Ça et là, une certaine absence des services des collectivités locales est pointée, alors que les services de l’Etat semblent très présents. Les raccordements aux réseaux sont très souvent interrompus et plusieurs bailleurs font état de difficultés d’organisation sur le sujet. Enfin, tous attendent des pouvoirs publics de nouvelles mesures qui accompagneraient la relance de l’activité, problématique pour beaucoup. En effet, s’il faut mobiliser de nouveaux fonds pour financer les surcoûts, ce sont les capacités d’investissement pour 2020 qui risquent d’en pâtir.
L’Association régionale étudie la possibilité de constituer un groupe de travail qui pourrait se saisir des démarches suivies dans les Hauts de France et en Bretagne pour envisager d’adapter en Paca les solutions préconisées. Si le bureau de l’Association régionale en valide le principe, ce groupe pourrait se réunir dans les prochains jours pour proposer une position du mouvement Hlm régional et approcher les différents partenaires (entreprises, artisans, architectes, bureaux d’études et promoteurs immobiliers etc…) dans la perspective de l’échéance du 11 mai. A suivre.