CLAUDE BERTOLINO : “NOUS ALLONS FLÉCHER NOS ACTIONS EN FAVEUR DES CENTRES ANCIENS”

Claude Bertolino est Directrice Générale de l’Etablissement Public Foncier PACA. Elle commente de très bons résultats pour l’année 2018, dus à une dynamique forte qui s’est enclenchée il y a plusieurs années. Mais elle reste très inquiète sur les capacités à produire en 2019.

Dans un contexte où les bailleurs sociaux et le mouvement Hlm en général sont en pleine turbulence, quels sont les impacts de ces mutations sur l’activité de l’EPF ?

Paradoxalement, malgré le contexte, 2018 sera notre meilleure année. Nous devrions réaliser 135 millions d’€ d’acquisitions, c’est un record. Et les cessions devraient atteindre 85 millions. Cela correspond à 2 800 loge-ments dont la moitié de logements sociaux. C’est aussi un record pour l’EPF. Nous pesions 10 à 15% de la production régionale annuelle, cette année nous allons frôler les 30% si les agréments sont confirmés à la baisse.

L’inquiétude qu’on pouvait avoir sur la capacité financière des organismes Hlm à continuer à construire s’avère donc infondée ?

Je ne dis pas ça du tout. Cela signifie que nous sommes encore sur une dynamique qui nous a portés jusqu’ici, mais la vague est en train de se retirer. Nous voyons déjà des bailleurs se désengager de certaines opérations, des territoires où il n’y a plus d’opérateurs ou de projets en cours, notamment le Var, et para-doxalement, ceux des bailleurs qui sont les plus touchés sont les plus dynamiques. Plus vous logez de ménages modestes, plus vous êtes impactés par la baisse des APL et la RLS. Plus vous construisez, plus vous êtes péna-lisés par la hausse de la TVA. Je reste inquiète pour le logement social en 2019.

Dans le concret, compte tenu de cette situa-tion, comment voyez-vous cette année 2019 ?

Il y a des signaux contradictoires. Toutes les opérations un peu spécifiques, un peu atypi-ques devraient souffrir. En même temps, les opérations sur les centres anciens, comme à Nice, devraient être soutenues par l’Etat tout comme l’habitat indigne, les copropriétés, les coeurs de ville. Le prochain Conseil d’adminis-tration de l’EPF va flécher nos actions en fa-veur de centres anciens. Avec moins de fonds propres, les bailleurs vont lancer moins de pro-grammes, mais nous allons bénéficier de fonds SRU (ceux qui proviennent des pénalités des communes carencées, NDLR) en augmentation de 50% C’est avec ces fonds que nous avons commencé à aider des opérations qui avaient besoin d’un coup de pouce dès le Conseil d’ad-ministration de mars 2018. Et nos capacités en la matière seront d’autant plus grandes.

Votre inquiétude reste donc mesurée ?

Heureusement, le pire n’est jamais sûr. Mais il y aura de toute façon un tassement. On an-nonce déjà une production 2018 de l’ordre de 9 000 logements, moins qu’en 2017 et bien moins qu’en 2016. En 2018, nous savons que nous pourrons encore compter sur les bailleurs sociaux. Plus de 60% de nos cessions corres-pondent à des ventes directes aux organismes Hlm. Une réunion le 11 juillet a identifié 31 cessions qui iront au bout, c’est-à-dire 1 400 logements dont 800 sociaux. En 2019, nous verrons bien, mais j’ai peur que ce soit beaucoup plus difficile.

Bio

. Architecte et urbaniste général de l’Etat, Claude Bertolino a démarré sa carrière au Syndicat mixte des transports du Rhône (SYTRAL)

. Elle a ensuite été, de 2006 à 2009, directrice de l’Habitat et de la Rénovation Urbaine à la Direction Régionale de l’Equipement d’Ile de France

. Puis Directrice adjointe de la Direction Régionale et Interdépartementale de l’Hébergement et du Loge-ment d’Ile-de-France, jusqu’à l’été 2011, et directrice de l’Etablissement Public Foncier des Yvelines

. Elle est directrice générale de l’EPF PACA depuis le 22 juillet 2013, et vient d’être renouvelée pour 5 ans, par Jacques Mézard, Ministre de la Cohésion des Territoires, par arrêté du 27 juin 2018