Mustapha Berra est directeur du CRPV Paca, le centre de ressources sur la politique de la ville, aujourd’hui renommé « Cité Ressources ».
Quelle est la mission du CRPV ?
Le CRPV Paca, aujourd’hui Cité Ressources, est une structure fondée en 2002, un groupement d’intérêt public (GIP) créé par l’Etat (la Préfecture de Région), le Conseil régional et l’AR Hlm Paca & Corse. En 2019, la métropole Aix-Marseille-Provence nous a rejoints. A terme, j’ai bon espoir que d’autres métropoles régionales viennent soutenir notre action. C’est une structure qui a une mission d’appui de tous les acteurs de la politique de la ville. Et même y compris aujourd’hui les associations, les habitants et les conseillers citoyens. Nous faisons partie d’un réseau national de 19 centres de ressources « Politique de la Ville » (quasiment un par ancienne région), porté et soutenu par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
Notre objectif est d’accompagner les politiques publiques qui visent à réduire les écarts entre les habitants des quartiers de la politique de la ville (QPV) et ceux qui vivent dans d’autres quartiers. Dans cette optique, nous menons des opérations de sensibilisation sur différentes thématiques, la santé, l’éducation, le renouvellement urbain, la fracture numérique…
Nous menons également des études sur ces politiques, comme par exemple l’évaluation des contrats de ville que nous avons réalisée dernièrement, à mi-mandat de ces contrats. Le CRPV est un outil de collecte et de capitalisation des actions menées dans le cadre de la politique de la ville, un outil à la disposition de tous les acteurs.
Vous diffusez le résultat de ces études ?
Bien sûr. Par exemple, avec l’AR Hlm Paca & Corse, nous avons réuni les bailleurs sociaux le 20 juin 2019 pour leur présenter les premiers éléments consolidés de l’évaluation des contrats de ville et l’évolution de la situation dans les QPV entre 2008 et 2014. Malheureusement, cela nous a permis de faire ressortir une dégradation régulière des conditions de vie dans ces quartiers. Cela s’est encore aggravé après 2014 et la crise sanitaire en 2020 a amplifié le phénomène.
Nous partons de situations données, avec des évaluations chiffrées, nous analysons ce qui a été fait et ensuite nous montrons l’évolution des différents indicateurs. Pour l’étude d’évaluation des contrats de ville, nous avons entendu et donné la parole à tout le monde, les collectivités et les chefs de projet mais aussi les associations, les conseillers citoyens, les bailleurs sociaux concernés, l’Education Nationale, les services techniques…
Il y a évidemment aussi des éléments positifs, développés sur certains QPV ou imaginés par certains bailleurs. Nous les capitalisons pour les mettre à disposition d’autres acteurs, bailleurs ou collectivités. Nous produisons régulièrement des synthèses de nos études qui nous permettent d’éclairer et de mettre en perspective à l’échelle régionale des situations qui ont été analysées à une échelle locale.
Notre site web reprend l’intégralité des études que nous avons menées et ces données sont consultables en accès libre (https://cite-ressources.org).
Vous avez également pris en charge des formations sur la thématique « Valeurs de la République et laïcité ». Comment se passent-elles et où en êtes-vous aujourd’hui ?
Après les attentats de 2015, l’Etat a souhaité lancer un plan national sur ce thème. A la demande de la Préfecture de Région nous accompagnons la déclinaison régionale de ce plan, , en prodiguant des formations à des formateurs. Nous avons ainsi aujourd’hui 150 intervenants sensibilisés à ces questions dans différentes structures, services de l’Etat, collectivités, associations…. Certains référents RH des bailleurs sociaux ont également été formés ainsi que des personnels de proximité, agents d’accueil, gardiens d’immeubles… Entre 2019 et 2020, cinq sessions ont permis de former plus de 60 collaborateurs de 11 bailleurs sociaux différents.
L’idée est de mettre à plat ce concept de laïcité, de bien connaître ses fondements juridiques et de transmettre des réponses argumentées sur les nombreuses questions ou situations que peuvent être amenés à rencontrer ces personnels. Avec la crise sanitaire, nous avons maintenu des rencontres en visio-conférence, mais le rythme s’est un peu ralenti en 2020. Nous continuons toujours à proposer ce type de formations et d’autres sessions sont en préparation pour 2021 avec l’AR Hlm Paca & Corse.
Vous avez d’autres actions en direction des bailleurs sociaux ?
Le 17 février prochain, nous organisons, avec l’Association régionale, une journée d’échange à destination des bailleurs sociaux pour faire le point sur l’impact de la crise sanitaire sur les habitants des quartiers « politique de la ville ». Ce qu’on a appelé la continuité éducative pendant le confinement a-t-elle pu être efficace dans ces quartiers, au sein de familles qui ne possèdent pas forcément un ordinateur, pour des enfants qui n’ont pas de bureau à la maison ?
Les personnes isolées représentent un ménage sur deux ou trois selon les quartiers prioritaires. Les personnes de plus de 60 ans, quant à elles, représentent près de 25 % des habitants. La population des plus de 75 ans est régulièrement en croissance. Comment ont-elles vécu leur isolement ? Comment ont-elles fait pour s’alimenter, faire leurs courses ? Quelle a été, dans ces quartiers, l’ampleur du chômage qui a touché toutes les couches de la population française ?
Cette crise a obligatoirement renforcé les difficultés déjà existantes. Comment les surmonter aujourd’hui ? Après une analyse de la situation, nous espérons pouvoir nourrir un échange fructueux avec les bailleurs pendant la journée du 17 février pour rechercher ensemble des solutions, pour éclairer par la réponse d’un bailleur l’ensemble de ses confrères, pour transmettre au plus grand nombre une solution pertinente qu’un territoire aura pu expérimenter, bref pour croiser les réactions de tous et faire en sorte que leurs réponses soient plus efficaces vis-à-vis de leurs locataires et habitants.
Vous allez publier ce qui aura été dit pendant ces échanges ?
Pour l’instant, le projet est de lancer, toujours avec l’AR Hlm, un cycle de réflexions autour du renouvellement urbain et des problématiques qui l’accompagnent. Une nouvelle rencontre devrait avoir lieu en juin 2021. J’espère que nous pourrons en organiser une troisième à l’automne sur la question de la fracture numérique. Ces journées thématiques seront l’occasion de créer des espaces communs qui pourront favoriser une vision globale de tous les acteurs. Que chacun ne soit plus isolé dans son coin pour faire face, mais bénéficie de l’expertise de tous.
BIO
- Mustapha Berra est architecte DPLG (Ecole d’architecture de Montpellier) et ancien doctorant en urbanisme (IUAR d’Aix-Marseille)
- Il collabore dès 2003 au CRPV Paca en tant que chargé de mission
- Il est recruté en 2005 et devient directeur du GIP CRPV PACA en 2010