N°6 – mars 2021
DEUX ATELIERS « INTERBAILLEURS » POUR AFFINER UNE POSITION COMMUNE SUR LE PASSAGE A LA GESTION EN FLUX
L’Association régionale a organisé fin 2020 deux ateliers d’échanges et de réflexions pendant lesquels tous les bailleurs ont pu exprimer leur position sur le sujet. Certains ont déjà travaillé en interne pour préparer la transition, d’autres sont au début de leur réflexion. Mais tous ont pu identifier ensemble des points de concordance qui serviront de base à une position régionale commune du mouvement Hlm vis-à-vis de ses partenaires.
Depuis plusieurs années, l’AR Hlm Paca & Corse a engagé un plan d’action pour la mise en œuvre de la réforme de la demande et des attributions. De nombreuses rencontres, organisées avec les partenaires (Etat, collectivités locales, Action Logement), ont eu lieu régulièrement pour affiner les positions des uns et des autres et trouver les points de convergence. Fin 2020, l’Association régionale a voulu réunir uniquement les bailleurs sociaux pour faire le point sur l’avancement global des travaux sur le sujet et établir avec eux une position commune du mouvement Hlm régional.
Ces temps de travail réservés aux bailleurs se sont inscrits dans le cadre de la démarche partenariale régionale sur la réforme de la demande et des attributions engagée par la DREAL PACA à partir de juin 2020 en lien étroit avec l’AR Hlm et Action Logement.
Deux séminaires « interbailleurs » se sont donc déroulés les 3 novembre et 10 décembre 2020, en visioconférence. Animés par les consultants Francis Rathier et Fanny Lainé-Daniel, qui accompagnent également la démarche régionale partenariale, ils ont abordé l’ensemble de la réforme, mais plus particulièrement la question de la gestion en flux. Lors du premier séminaire, André-Yves Lacombe (Erilia) a présenté sa démarche sur le sujet et pour le deuxième, ce sont Lucas Beaujolin (Grand Delta Habitat) et Mireille Bosphore (1001 Vies Habitat) qui ont exposé la leur.
En préambule de la réunion du 3 novembre, Francis Rathier rappelle les enjeux de la journée. Ils sont au nombre de trois : le calcul des flux (comment l’appréhender ? quoi prendre en considération ? prendre en compte le taux de rotation est-il pertinent ?), la qualification des flux (jusqu’où va-t-on en termes de typologie des logements, de financement, de droits de réservations ?) et la question de la mise en œuvre (comment va-t-on effectuer une désignation pour un réservataire particulier ?).
André-Yves Lacombe, directeur de la clientèle chez Erilia, expose ensuite la démarche choisie par ses services. Quels chiffres présenter dans l’état des lieux/bilan remis au réservataire ? Erilia a décidé de présenter en premier lieu à tous les réservataires sur un territoire concerné une photographie de son patrimoine en quatre chiffres : le nombre total de logements détenus, le taux moyen de rotation constaté sur les 3 dernières années, le nombre de logements qui pourraient en théorie être disponibles sur une année et ce même nombre diminué des mutations, des logements mis en vente, bloqués pour relogement Anru, ou toute autre raison…
Erilia ajoute pour chaque réservataire sur le territoire concerné, le détail des logements qui lui sont réservés et le taux de rotation moyen propre à ce contingent. En fonction du taux de rotation moyen sur l’ensemble du parc, on estime le nombre de logements disponibles dont ce réservataire pourrait bénéficier sur une année. Cette estimation est pondérée par son propre taux de réservation pour déterminer le nombre final de logements qui pourraient lui être affectés sur un flux annuel.
« L’intérêt de cette méthode, explique André-Yves Lacombe, est qu’elle correspond à la réalité d’aujourd’hui. En effet, dans le système d’une gestion en stock, le réservataire ne peut attribuer un logement que lorsqu’un des logements de son contingent se libère. La méthode de pondération du flux maintient une certaine équité entre les réservataires ». L’autre intérêt de cette démarche est qu’elle maintient aussi une certaine mixité sociale. La gestion en stock distribue un partage qui introduit cette mixité et permet de la gérer. « Avec la pondération par le taux de rotation du réservataire, on maintient cette répartition et on préserve les équilibres existants ».
De nombreux points de convergence, mais aussi beaucoup de « cas par cas »
La visioconférence se scinde alors en deux groupes de travail qui échangent sur leurs pratiques et l’état d’avancement de leur réflexion par rapport aux trois enjeux listés en début de réunion. Les synthèses de ces réflexions sont tirées en temps réel par Pascal Gallard et Anne Chemier, respectivement directeur et chargée de mission à l’AR Hlm.
Sur le calcul des flux, tout le monde s’accorde à dire qu’il ne faut pas perdre la finesse actuelle des pratiques et, donc, approuve la démarche d’Erilia. La prise en compte du taux de rotation du réservataire est jugée essentielle. Reste en suspens la période sur laquelle doit être calculé ce taux : triennale, c’est-à-dire en fait sur les deux années 2018-2019 (décision unanime de neutraliser l’année 2020 en raison de l’impact de la crise sanitaire), ou simplement sur l’année 2019 ?
La situation spécifique des contingents communaux est abordée pour dire que même si, de façon générale, la rotation y est moindre, la relation privilégiée qu’entretient le plus souvent le bailleur avec la commune implique qu’on puisse conserver un nombre conséquent de réservations, même après la fin des conventions. Une question aussi sur le contingent préfectoral qui dans les faits est très souvent inférieur aux 30 % réglementaires. La position commune des bailleurs est qu’il faut essayer le plus possible de prendre la situation existante comme base des négociations.
Le souhait est évoqué par un grand nombre de bailleurs de pouvoir bâtir un modèle unique de convention avec l’ensemble des réservataires sur l’ensemble du territoire régional.
Sur la qualification des flux, il est plus difficile d’avoir un modèle unique. D’abord, les signatures de CIA (conventions intercommunales d’attributions) ont plutôt pris du retard dans la région et les bailleurs souhaitent attirer la vigilance des pouvoirs publics sur les objectifs à atteindre et le calendrier à tenir : tout ne peut pas reposer uniquement sur la seule responsabilité des bailleurs.
Ensuite, jusqu’à quel niveau de détail un bailleur peut-il s’engager ? Peut-on accepter que certains réservataires sur certains territoires refusent les PLS ? Comment gérer les équilibres de peuplement, notamment dans les QPV ? Sur tous ces sujets, le consensus a été que… c’est à chaque fois du cas par cas.
Sur la question de la mise en œuvre, l’outillage informatique est très souvent évoqué pour dire que sans lui rien ne sera possible. Notamment pour les mises à disposition de logements (que le bailleur doit comptabiliser) : tout le monde pense qu’il sera très intéressant de pouvoir observer à quel réservataire le logement a été proposé à l’origine, quel réservataire a désigné des candidats, et en définitive, quel réservataire a bénéficié de l’attribution du logement.
Equité entre réservataires et équilibre de peuplement
La réunion interbailleurs du 10 décembre 2020, dans le prolongement de la précédente, s’est donné pour objectif de produire une position commune. Mireille Bosphore, responsable des politiques d’attributions chez 1001 Vies Habitat et Lucas Beaujolin, directeur commercial de Grand Delta Habitat, présentent en introduction leurs choix en matière de gestion en flux.
Pour 1001 Vies Habitat, implanté sur 4 régions (Ile de France, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Auvergne-Rhône Alpes et Nouvelle Aquitaine), il a fallu d’abord constituer une base de données fiable. L’exercice a pris plusieurs mois, entre mars et décembre 2020. Ensuite, le bailleur a établi des simulations en prenant en compte le taux d’attributions plutôt que le taux de rotation. « Sur la base de ces simulations, nous comptons envoyer un état des lieux à chaque réservataire, explique Mireille Bosphore, le laisser réagir et engager des discussions avec chacun au cours du premier semestre 2021, non pas sur la base d’un nombre de logements mais sur un partage des enjeux de peuplement sur le territoire. C’est pour nous le fondement même de la gestion en flux ».
Pour Grand Delta Habitat, l’état des lieux propose plusieurs niveaux de restitution. Le premier donne une idée générale de la situation à l’échelle départementale. Le deuxième affine la répartition par territoire et par EPCI. L’échelle intercommunale est privilégiée. Lucas Beaujolin explique que « tous les acteurs ne peuvent pas avoir accès à toutes les infos ». Le troisième niveau définit la nature des flux (par typologie, par financement, par QPV…). Assurer l’équité entre les réservataires et maintenir l’équilibre social restent les préoccupations majeures du bailleur.
Les échanges qui suivent montrent d’une part que ces préoccupations sont partagées par tous, mais aussi que la communication ciblée des informations par réservataire emporte l’adhésion d’un grand nombre de bailleurs, tout comme la préférence pour des négociations multilatérales sur des objectifs généraux de peuplement en complément des discussions bilatérales bailleur-réservataire. Cette dimension multilatérale pourrait s’organiser à l’échelle des intercommunalités qui ont engagé leurs travaux sur la politique d’attribution sur leur territoire, avec évidemment la prise en compte de la cotation de la demande.
Plusieurs territoires ont lancé des tests. Les bailleurs restent circonspects et vigilants sur leur portée. Tous précisent qu’il faut absolument que l’ensemble des parties prenantes soient concernées par ces tests si on veut qu’ils aient une réelle pertinence.
Enfin, le consensus se fait pour dire qu’il ne faut pas, au moins dans un premier temps, être trop ambitieux et qu’il est préférable d’afficher des objectifs mesurés pour la première année. Plusieurs bailleurs ont insisté sur le fait que les réservataires n’ont pas tous la même réactivité et qu’il serait bon de leur laisser prendre une part de l’engagement à atteindre l’objectif commun.
Enfin, comme une évidence, il a été rappelé à plusieurs reprises que le passage à une gestion en flux des contingents réservés ne résoudra pas le problème structurel de l’insuffisance de l’offre en logements sociaux dans la région.
Fort de ces échanges et des positions communes qu’ils ont pu dégager au cours de ces deux ateliers, les bailleurs participeront plus efficacement le 8 février au séminaire régional organisé par la Dreal, Action Logement et l’Association régionale, et certains EPCI. Ce séminaire fera l’objet d’un « Cahier du Saint Georges » consultable fin mars – début avril 2021 sur le site internet de l’AR Hlm Paca & Corse.
MIREILLE BOSPHORE : « EVALUER TOUS LES ENJEUX EN COMMUN NOUS REND PLUS FORTS »
Mireille Bosphore est responsable des politiques d’attribution chez 1001 Vies Habitat.
Que pensez-vous de l’organisation de ces deux ateliers « interbailleurs » ?
C’est un démarche intéressante qu’a menée l’AR Hlm Paca & Corse. J’interviens sur plusieurs régions et celles qui ont engagé ce genre de démarche permettent de fixer un cadre commun qui est essentiel. Quand il n’y a pas de cadre, on devra rédiger les conventions au niveau du département, d’EPCI et de communes. Et cela risque d’être très disparate au sein d’une même région.
Cette réforme que nous devons mener n’est pas anodine, elle va bouleverser tous les acteurs du logement social en France. Et il est normal que chacun essaye de préserver ses propres enjeux. Au résultat, on va aboutir à des accords qui restent très généralistes, car cela est extrêmement compliqué de prendre en considération tous ces différents enjeux. En Paca, du fait de cette initiative, je pense que la profession s’en sortira mieux.
Les pratiques vont être si différentes d’une région à l’autre ?
C’est probable et le challenge pour un groupe comme le nôtre, implanté sur plusieurs régions est bien de tenir compte de ces différentes pratiques, alors que nous avons des fonctions centralisées. A l’échelle du groupe 1001 Vies Habitat, nous allons construire des maquettes globalement similaires d’une région à l’autre, et nous allons essayer de prendre en compte des demandes particulières, des ajustements. Sur les sujets où on peut faire du cas par cas, nous le ferons. Je pense notamment que nous pourrons élaborer des bilans territorialisés.
En revanche, sur la question des conversions, des calculs, il va être très compliqué de faire du cas par cas. La mise en œuvre sera obligatoirement centralisée, avec des déclinaisons territoriales.
Une démarche identique sur l’ensemble des régions où votre parc est implanté ?
Nous réfléchissons à la possibilité d’avoir un mode d’approche différent par régions. Comme évoqué, des bilans qui changent d’une région à l’autre pourront être envisagés. C’est là où un positionnement régional devient indispensable. S’il n’y a pas de positionnement régional, on court le risque de demandes nombreuses, multiples, différentes, auxquelles il ne sera pas possible de répondre. Alors, le mieux pour nous, effectivement, c’est une démarche globale.
En Paca et Corse, en Ile de France, il y a une telle démarche globale qui se structure. Mais pas dans d’autres régions, pas en Auvergne-Rhône Alpes par exemple. Pour nous, cela va être extrêmement compliqué.
Echanger de manière ouverte avec d’autres bailleurs, comme cela a été le cas pendant ces deux ateliers, vous semble intéressant ?
Ah oui, absolument. Ce genre d’échange est très riche parce qu’il nourrit toujours. Chacun a des interprétations différentes et les temps d’échanges nous permettent d’apprécier et de comprendre ces visions différentes. Je dirais qu’on s’apporte mutuellement des bonnes idées. Je suis convaincue par la mise en commun de matière grise, on peut ainsi ajuster les démarches et la façon dont on voit les choses. Je ne vais pas changer toute la méthodologie pensée au sein de notre groupe, mais je l’adapte et je l’ouvre aux autres.
Vous êtes satisfaite de ce qui est ressorti de ces échanges ?
Pour Paca, je trouve qu’il y a des avancées intéressantes. Le projet de la gestion en flux est décliné avec un calendrier. On a réussi à produire une feuille de route, elle pourrait être plus précise, plus ambitieuse, mais il y en a une. Comparativement, en Ile de France, où une démarche similaire a été menée avec les mêmes temporalités imposées, nous sommes moins avancés.
En Paca, les échanges au cours des deux ateliers nous ont permis d’aller au bout des sujets, tels que celui sur l’état des lieux, par exemple, d’évaluer tous les risques qu’on prend quand on fait une proposition et de partager un discours. Evaluer tous les enjeux en commun et avoir une position d’ensemble nous rend plus forts.
Vous serez prêts dans les délais ?
Nous avons exploré toutes les pistes et nous avons pris des décisions au regard d’une analyse complète de la situation. On va tout faire pour tenir le calendrier. Je vous avoue tout de même qu’un décalage d’un an sur la date butoir ne nous dérangerait pas…
ANDRE-YVES LACOMBE : « LA DEMARCHE MENEE EN PACA EST UNIQUE EN FRANCE »
André-Yves Lacombe est secrétaire général adjoint chez Erilia.
Que pensez-vous de l’organisation de ces deux ateliers « interbailleurs » ?
Erilia est présent sur 37 départements et nous avons affaire à plusieurs Associations régionales d’organismes Hlm dont le territoire est plus ou moins vaste. J’ai toujours considéré que l’AR Hlm Paca & Corse joue un vrai rôle d’expertise et de cohésion sur nos sujets réglementaires (avec de nombreuses évolutions). Un rôle absolument nécessaire. Il y a un niveau d’appréhension des sujets très variables selon les organismes de logement social, grands groupes ou petites structures, et l’AR Hlm Paca joue un rôle de pédagogue particulièrement efficace. Elle sait très bien faire le lien et l’unanimité entre des orientations parfois différentes. Il faut avoir le doigté nécessaire pour faire la synthèse, faire parler tout le monde et trouver le consensus. Philippe Oliviero le faisait très bien, Pascal Gallard et Anne Chemier continuent avec beaucoup d’efficacité. J’apprécie beaucoup ce rôle de lien.
Sur la question de la gestion en flux, ce rôle est d’autant plus pertinent. Et la démarche menée en Paca est unique en France. D’un bailleur à l’autre, il y a une appréhension du sujet très différente. Quelques-uns, dont nous, ont mesuré l’impact de cette réforme, mais d’autres pas du tout. Ces ateliers organisés par l’AR Hlm Paca nous permettent d’avoir un même niveau de connaissances, un même niveau de compréhension de l’urgence et du changement majeur que cela implique.
Vous dites « changement majeur » ?
C’est indéniable. Il y a eu de nombreux changements dans nos métiers ces dernières années, plus ou moins importants, mais le passage à la gestion en flux est un changement profond et durable. Pas seulement dans le processus d’attribution des logements, mais aussi dans nos organisations internes, nos processus habituels de fonctionnement et surtout dans tous nos outils informatiques. Nous sommes contraints à une révolution informatique de fond, pour gérer, évidemment, cette gestion en flux au quotidien mais aussi pour être capables, à terme, de répondre à toutes les questions qu’on ne manquera pas de nous poser à l’heure du bilan.
Vous êtes satisfaits des conclusions auxquelles ont abouti ces deux ateliers ?
Nous nous trouvons face à une demande de l’Etat au travers de la loi, et en même temps face à des EPCI qui, souvent, n’ont pas vraiment travaillé la question de ce passage à la gestion en flux. Nous nous apercevons que les élus n’ont pas pris la mesure du changement profond qui va en découler, non seulement sur la philosophie des attributions de logements mais aussi, et surtout, sur les modalités concrètes de nos futures relations. Même les plus aguerris d’entre eux se sont tournés vers nous, les bailleurs sociaux, pour mieux comprendre.
Dans ce contexte, le référentiel que les bailleurs sociaux ont été capables de bâtir ensemble est un premier point très satisfaisant. Cela permet de créer un socle, un dénominateur commun. Bien sûr, je regrette qu’on ne puisse pas aller plus loin. Par exemple, comment traiter précisément les objectifs de flux ? Faut-il, ou non, pondérer avec les taux de rotation de chaque réservataire ? Nous ne l’avons pas décidé et donc il y aura une négociation avec chaque réservataire. Pour ma part, sur la France entière, j’ai 300 réservataires différents. Le chantier va être énorme.
Et puis, il y a le sujet Action Logement. Ce partenaire de première importance pour notre développement participe également à l’équilibre social du peuplement, grâce à ses demandeurs actifs. Le sujet du traitement en flux des réservations en droits de suite, et de celles en droits uniques, est toujours ouvert. Action Logement a déjà stoppé toute réservation de longue durée depuis la discussion sur la loi Elan, bien consciente que la gestion en flux allait dégrader sa capacité d’attribution de logement. Les enjeux sont importants, et l’équité difficile à maintenir.
Il y aura donc encore des choses à discuter…
De toute façon, la gestion en flux n’est pas la panacée. Le législateur la présente comme la solution à tous les besoins d’adaptations et d’équilibres, mais ce ne sera pas le cas. Ce n’est pas une méthode de distribution qui va multiplier les logements et nous savons tous parfaitement que tous les réservataires vont vouloir la même chose : des logements récents, bien placés, pas chers, et hors QPV idéalement.
A la nuance près, c’est ça qui va se passer… Si tout le monde veut des T1, ce ne sera pas possible. Si tous les réservataires disent « je ne veux pas de PLS », comment fait-on ? C’était déjà le cas avec la gestion dite en stock, mais au moins ce système a permis de distribuer les logements de chaque ensemble immobilier de façon très précise, très détaillée et équitable. En flux, ce même niveau de finesse ne sera pas possible.
Vous avez fait allusion, pendant les échanges, à l’obligation de posséder un nouvel outil informatique pour gérer la gestion en flux. Où en êtes-vous de la mise au point de cet outil ?
Il n’existe toujours pas. Différents éditeurs informatiques travaillent avec les organismes Hlm et sont en train de faire cette mise au point. L’éditeur avec lequel Erilia travaille a beau être spécialisé dans le logement social, il n’avait pas compris en juillet dernier, lors de la première réunion sur le sujet, toute la complexité du processus de gestion en flux. Il a découvert à ce moment-là l’ampleur de la nouveauté et de la tâche à accomplir.
Serons-nous prêts à la fin de l’année 2021 ? C’est difficile à dire. A ce stade, on veut croire que c’est possible. Nous devrions disposer d’une première version test du logiciel en juin prochain. Ce sera court pour être fin prêt en décembre. J’ai constaté que chaque nouvel outil informatique demande de nombreux ajustements pour être pleinement efficace.
Action Logement de son côté avait prévu de lancer son logiciel Al’in en janvier 2020, mais a dû reporter cette échéance plusieurs fois. Nous y travaillons régulièrement avec eux, et il n’est pas encore tout à fait au point. Il ne gère par ailleurs que la demande de logement des salariés d’entreprise, et le rapprochement avec l’offre mise à disposition par les bailleurs.
Pour la gestion en flux, nous parlons d’un outil qui va devoir permettre aux bailleurs de gérer l’ensemble de la question des attributions, en fonction des engagements pris avec chaque réservataire, et des logements qui se libèreront au fil de l’eau, et qui ne se sont bien entendu pas connus à l’avance, ni en nombre, ni en caractéristiques.
Nous devrons rendre des comptes fin 2022, faire la démonstration que tout a bien marché, et que les engagements ont été fidèlement respectés. Si nos outils informatiques ne sont pas performants, ce sera totalement impossible.
LUCAS BEAUJOLIN : « LES AVANCEES SERONT DIFFERENTES D’UN TERRITOIRE A L’AUTRE »
Lucas Beaujolin est directeur commercial chez Grand Delta Habitat.
Que pensez-vous de l’organisation de ces deux ateliers « interbailleurs » ?
La réforme de la demande et des attributions est une réforme importante qui a un fort impact organisationnel pour les bailleurs sociaux. Les ateliers interbailleurs qu’a organisés l’AR Hlm Paca nous ont permis de mettre en commun notre approche et de nous mettre d’accord sur une base partagée avant la période d’échanges et de négociation avec nos partenaires, l’Etat, les collectivités et Action Logement.
Un des éléments importants de ces ateliers était la réflexion sur la rédaction de l’état des lieux qui doit être communiqué aux réservataires. C’est beaucoup mieux pour les bailleurs sociaux d’avoir une base commune pour éviter d’être mis en porte-à-faux et de devoir produire des bilans différents à la demande. Nous avons un grand intérêt à pouvoir nous appuyer sur cette base commune avant d’aller discuter et contractualiser avec nos réservataires et en fonction de nos enjeux propres.
Il est apparu que certains d’entre nous avaient besoin d’une première approche pour appréhender la question, tandis que d’autres, comme nous, avaient déjà travaillé sur le sujet et avaient déjà choisi certains positionnements. Mais l’échange était vraiment enrichissant. Grand Delta Habitat a eu la chance de pouvoir présenter sa démarche et la façon dont nous avions choisi de formaliser nos bilans. En retour, nos confrères ont pu réagir et nous faire part de leurs remarques. Cela nous a permis d’affiner et de confirmer nos choix de base.
Vous avez l’expérience d’une autre approche dans une autre région ?
Nous sommes principalement implantés sur Paca et dans le Gard en Occitanie. La démarche menée dans cette région, avec également l’appui d’un cabinet conseil, n’est pas aussi avancée qu’elle l’est en Paca. Ici, nous avons pu bâtir tous ensemble, avec l’aide de l’AR Hlm Paca, un véritable cadre collectif sur lequel chacun d’entre nous peut maintenant s’appuyer pour les prochaines étapes. C’est en tout cas la démarche de Grand Delta Habitat.
Ces ateliers vous ont ouvert des perspectives ?
Avec 1001 Vies Habitat et avec Erilia, nous nous sommes vite aperçus que nos approches étaient convergentes. C’est d’ailleurs sur les points de convergence que nous avons été capables d’identifier une parole commune. Et ce discours commun va nous permettre d’avoir une position plus assurée vis-à-vis de nos partenaires. En particulier, nous savons que nos premiers engagements vis-à-vis d’eux doivent être réalistes et avoir une ambition mesurée de manière à pouvoir être respectés et mis en œuvre dans un délai particulièrement court.
Vous pensez pouvoir tenir le calendrier prévu ?
Nous sommes en ordre de marche pour être prêts à la fin de l’année 2021, mais à l’évidence les degrés d’avancement ne seront pas les mêmes selon les territoires et selon les réservataires. Il est évident que tous les bailleurs vont privilégier les territoires où ils sont le plus implantés, là où les enjeux sont les plus forts pour eux. Et aussi là où la « maturité » de la relation avec l’EPCI sera la plus développée. La mise en œuvre de cette réforme est facilitée par l’existence d’un réseau de politiques locales très fortes autour du logement, des CIL et des CIA en ordre de marche. Les avancées sont différentes d’un territoire à l’autre et nous ne pourrons pas formaliser l’ensemble des conventions dans les mêmes temporalités partout.
La question de l’outil informatique préoccupe également beaucoup de bailleurs. Où en êtes-vous sur ce sujet ?
Grand Delta Habitat travaille avec un éditeur de logiciels parmi les plus importants, qui nous a présenté des premiers éléments. Cela dit, cette première présentation que nous avons eue d’un outil informatique adapté ne nous a pas montré le fonctionnement opérationnel de l’outil. Jusqu’ici, nous avons été contraints de réaliser les premiers bilans « à la main ». Mais demain, le système devra impérativement être automatisé et réellement adapté au passage à la gestion en flux en prenant en compte l’intégration des nouvelles conventions, la gestion courante de nos logements vacants et la réalisation des bilans. Nous sommes aussi favorables au développement d’un outil prescriptif afin d’orienter la désignation du réservataire à chaque libération de logement.
Il est vrai que la mise à jour de notre logiciel proposé par l’éditeur n’est pas encore au niveau pour ça. On touche là une des clés essentielles de la réussite de la réforme. Sans outil informatique performant, nous n’y arriverons effectivement pas.
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Rédacteurs : Michel COUARTOU, Anne CHEMIER