La Banque des Territoires a suscité deux tables rondes, avec la collaboration de l’hebdomadaire TPBM, pour poser la question d’une relance de la construction de logements sociaux. Les bailleurs et les élus locaux présents ont tous pointé deux freins importants : le foncier, trop cher et trop rare, d’une part, et la confiance à renouer entre eux, d’autre part.
A l’invitation de la Banque des Territoires, l’Association régionale a participé à un webinaire sur « le logement au cœur des enjeux des territoires tendus en Paca », que le partenaire financier des bailleurs sociaux a organisé le 6 avril dernier en partenariat avec l’hebdomadaire TPBM. Une première table ronde a réuni Richard Curnier, directeur régional de la Banque des Territoires, Pascal Friquet, président de l’AR Hlm Paca & Corse, Pierre Franc, chef de service Energie Logement de la Dreal Paca, et Fabienne Abecassis, directrice générale de Logirem.
Etat des lieux
En introduction, Richard Curnier a rappelé les interventions possibles de la Banque des Territoires auprès des bailleurs sociaux : un prêt spécifique pour assumer les surcoûts de chantier dus à la crise sanitaire, la possibilité pour les OPH de souscrire des titres participatifs (avec une enveloppe relancée) et toujours les prêts de haut de bilan et les prêts spécifiques de la BEI (Banque européenne d’investissement). Pierre Franc, pour sa part, a placé le contexte : un parc social de 320 000 logements dans la région sur un total de 2 millions, soit 16 % de logements sociaux. Un « retard » qu il explique notamment par la rareté et la cherté du foncier, les contraintes réglementaires (Loi Littoral, PPRI…) et aussi, ajoute Pierre Franc, une mauvaise image qui agit comme un repoussoir auprès des élus. Il ajoute que l’Etat propose 500 millions d’euros sur deux ans pour les projets de réhabilitations lourdes et thermiques et que dans ce budget, notre région pourra bénéficier de 10 millions (soit un millier de logements à 11 000 € chacun).
De nombreux savoir-faire que les bailleurs mettent au service des maires
Pascal Friquet insiste sur les différents obstacles qui se dressent devant les bailleurs sociaux. Le foncier, bien sûr, de par sa cherté, favorise les opérations de promotion privée et les Vefa augmentent de ce fait (plus de 50 % de la production sociale dans la région). La gravité de cette situation se situe pour lui dans le risque d’unedisparition progressive d’un savoir-faire chez les bailleurs sociaux : « s’il n’y a plus de production directe de logements, par les bailleurs sociaux nos équipes de production pourraient disparaître ».
La volonté des élus locaux est un obstacle difficile à contourner. « Toutes nos opérations sont exemplaires du point de vue environnemental. Près de 80 % de la population est éligible au logement social. Notre activité est essentielle pour le territoire avec 1,3 milliard d’euros investis chaque année, 12 % de l’activité globale du bâtiment et 20 000 emplois maintenus. » Le message est tout de même difficile à faire passer aux élus. Qui plus est, rappelle Pascal Friquet, le phénomène de la Vefa permet à un grand nombre d’opérations privées de pouvoir être lancées puisque les bailleurs pré-achètent 25 à 30 % des futurs logements…
Peut-être que la « frilosité » des maires provient du fait qu’ils ont le sentiment de n’avoir pas au final une grande influence sur l’attribution des logements. Pascal Friquet estime ce sentiment légitime ; il plaide pour que les attributions soient plus en accord avec ce que souhaitent les maires.
Pour Fabienne Abecassis, cette question des attributions ne sera pas réglée si facilement. « Le système est d’une complexité folle. Il est très difficile de convaincre un maire ». Elle pense que la clé pourrait être celle des centres villes anciens pour lesquels les élus « ont des attentes fortes ». Mais ces opérations sont très complexes. « Nous travaillons dans la dentelle et le sur-mesure, donc les coûts sont plus élevés, et là encore, pour les attributions, nous sommes toujours dans un travail de dentelle ».
La situation reste paradoxale pour Pascal Friquet, alors que depuis des années les organismes Hlm n’ont pas cessé de diversifier et de consolider leurs compétences. « Nous élaborons des produits de logements très divers, en fonction des besoins, nous intervenons dans de nombreux domaines, l’aménagement urbain, la création de nouveaux quartiers, l’implantation de commerces, la réhabilitation complexe, aujourd’hui nous créons du foncier aérien, au-dessus des immeubles… nous sommes capables de créer la ville ».
Des élus locaux demandeurs d’opérations sur-mesure
Dans la deuxième table ronde, les élus s’expriment. Nathalie Bicais, nouveau maire de La Seyne-sur-mer, revient sur le problème des attributions qui lui semble essentiel, alors qu’elle est totalement convaincue que « les normes et les règles dans le logement social sont plus élevées que dans le privé, les constructions sont plus qualitatives ». Elle envisage effectivement de monter des opérations avec des opérateurs Hlm en centre ancien dégradé, mais, dit-elle, « accompagnées par le privé ».
Richard Mallié, maire de Bouc-Bel-Air, insiste pour sa part sur son choix de créer un organisme foncier solidaire communal (OFS) qui propose des baux réels solidaires (BRS). Il estime que ce mécanisme de dissociation du foncier et du bâti permet de renforcer le parcours résidentiel. « Les gens sont copropriétaires et donc plus enclins à préserver leur bien ». Il a déjà identifié plusieurs sites sur sa commune où vont se développer ce type d’opérations.
David Ytier, vice-président d’Aix-Marseille-Provence métropole, nouvellement délégué à l’habitat, au logement et à la lutte contre l’habitat insalubre, envisage de « mettre tout le monde autour d’une table pour bâtir ensemble une stratégie commune pour la construction de logements ». Il pense lui aussi favoriser les BRS et veut aller le plus vite possible au bout de la finalisation du Programme Local de l’Habitat, « document cadre essentiel ». Il pense pouvoir le faire adopter au début de 2022. « C’est un document qui va tracer le chemin, il sera ambitieux mais réaliste ». Il espère pouvoir convaincre les bailleurs sociaux de s’investir avec les maires sur de petites opérations. « Une grande partie de nos communes ont des besoins très spécifiques sur leurs centres anciens, sur de la dentelle, des opérations de quelques logements qui sont essentielles pour redynamiser ces centres. »
En conclusion, Richard Curnier se dit heureux de voir qu’au final les volontés sont là et que la crise sanitaire n’a pas que des impacts négatifs puisque la collecte exceptionnelle sur le Livret A qui a été réalisée en 2020, va permettre de redistribuer des fonds supplémentaires aux bailleurs.
(Contact : Pascal Gallard)