Pascal Friquet, quel bilan tirez-vous de votre mandat ?
Plus qu’un bilan, je pense qu’il faut plutôt porter un regard sur les changements qui sont apparus dans le monde Hlm ces dernières années. Le contexte général a totalement changé durant les trois dernières années, celles de mon mandat. On peut dire qu’il y a un avant et un après.
Et l’Association régionale a évolué comme son environnement. Il a fallu s’adapter très vite. Aujourd’hui, le problème de l’AR Hlm vis-à-vis de ses adhérents est beaucoup
plus une question de représentation que d’apport de services. Nous avons renforcé nos partenariats avec les différentes collectivités locales. L’évolution au sein de la
composition de l’équipe a permis de réorienter notre association autour d’une nouvelle feuille de route, avec de nouveaux axes de travail, de nouveaux objectifs, des
éléments identifiés, chiffrés, des indicateurs de suivi. Le contexte nous impose cette évolution, cette réorientation de nos interventions.
Comment cela s’est-il incarné dans le concret ?
Auparavant, un organisme Hlm produisait des logements, entretenait son patrimoine et gérait les locations. Aujourd’hui, le modèle économique du logement social n’a pas
seulement évolué, il a totalement changé. Les contraintes ne sont plus du tout les mêmes. Nous avons besoin aujourd’hui, par exemple, pour monter une opération,
d’un volume de fonds propres beaucoup plus important qu’avant.
Il y a quelques années, un bailleur social avait une capacité de production propre. Aujourd’hui, avec le système de la Vefa qui s’est énormément développé, les bailleurs sont en partie dépendants de la capacité de production des promoteurs privés. D’où les difficultés à atteindre nos objectifs de production. Ce n’est pas la seule raison, bien sûr, il y a également la problématique d’accès au foncier et celle de la volonté des élus.
Nous devons travailler étroitement avec les collectivités qui ont une forte emprise sur notre secteur, il y a beaucoup de nouvelles lois qui contraignent notre activité, comme par exemple le « zéro artificialisation nette », la réglementation sur les étiquettes énergétiques ou le passage à la gestion en flux du contingent de logements des réservataires. L’AR Hlm a réalisé un travail considérable, d’information, de réflexion, de négociation, sur cette question de la gestion en flux. Globalement, l’équipe s’est très vite adaptée à ces évolutions pour continuer à bien accompagner ses adhérents.
Il y a eu aussi les différentes crises qui se sont succédé ces dernières années…
Et qui ont eu un impact significatif sur nos locataires. La crise sanitaire, la crise énergétique et l’augmentation des coûts, l’inflation qui revient, tout cela a fragilisé et paupérisé nos résidents. Nous accueillons aujourd’hui dans nos programmes des gens de plus en plus démunis face à la vie.
On voit bien ce qui se profile, le gouvernement aujourd’hui a tendance à dire que le logement social, c’est le logement pour les plus démunis.
La tentation serait effectivement d’en éloigner la frange la plus riche de nos locataires, ou plutôt la frange la moins pauvre. Ce ne serait pas une bonne chose, le logement social doit continuer à assurer une mixité au sein de nos résidences et permettre de loger la majorité des ménages.
Au-delà de ce qu’on a appelé la crise énergétique, c’est-à-dire l’augmentation incontrôlée des coûts de l’énergie, il y a aussi la question de la transition énergétique. Les bailleurs sociaux vont devoir investir de très fortes sommes d’argent dès à présent. Est-ce que le monde Hlm y est prêt ? Nous devrons traiter les logements avec étiquettes E, F et G, mais nous devrons surtout mener à bien la décarbonation de notre patrimoine, ce qui veut dire baisser nos émissions de gaz à effet de serre de près de 60 %. Et cela dans la décennie qui vient. C’est énorme.
Dans notre région particulièrement, il y a également un autre sujet, de plus en plus prégnant, c’est le confort d’été. L’énergie thermique que nous devons utiliser pour se préserver du froid est moindre chez nous que dans d’autres régions, mais la question du confort d’été, avec le réchauffement climatique, est un sujet qui est réellement devant nous. Cela devient pour les bailleurs sociaux de Paca un sujet prioritaire.
Le défi qui est lancé aujourd’hui au monde Hlm, c’est celui de répondre à ces différents enjeux.
Quels enseignements tirer pour l’avenir ?
L’objectif de l’équipe de l’Association régionale a été d’apporter de nouveaux services et accompagner les adhérents, bien identifier les problématiques, partager les connaissances. Ensuite, face à ces défis, il a fallu développer des partenariats très proches avec les collectivités et notamment les plus importantes, les métropoles. Aujourd’hui, à travers des contrats de services, l’AR Hlm vend des missions auprès
des métropoles qui nous souhaitent que l’AR Hlm les accompagne dans la gestion des problématiques de logement sur leur territoire. C’est nouveau et c’est une nouvelle activité de l’Association qu’elle devra continuer à développer.
Qu’est-ce qui selon vous va poser le plus problème ?
Aujourd’hui, ce qui m’inquiète, c’est que le logement, pour le gouvernement, n’est pas un sujet prioritaire. Le mouvement Hlm doit sans cesse prouver que sans logement, il n’y a pas d’activité et que sans activité, pas de développement. Le logement, c’est le départ de tout. Il est dommage qu’il faille continuellement argumenter pour faire passer cette idée, qui semble tellement évidente.
On voit bien les difficultés que rencontre l’USH pour établir un dialogue constructif avec les pouvoirs publics autour du « Pacte de confiance ». Le gouvernement voudrait signer ce Pacte lors du prochain Congrès Hlm, à Nantes, mais l’Union aujourd’hui dit qu’il n’y a rien dans le texte qui puisse nous amener à vouloir signer. Les mécaniques financières concernant le logement social sont inquiétantes et en disent long sur le regard que les responsables publics posent sur nous. Regardez simplement la convention quinquennale que l’Etat et Action Logement viennent de signer. Elle acte que cette année Action Logement versera 300 millions au FNAP. En 2024, l’enveloppe pour la construction neuve sera de 150 millions et rien en 2025. Il est légitime de se poser des questions…