Laurent Carrié est préfet délégué à l’égalité des chances, chargé de la mise en place du plan « Marseille en grand »
Le projet partenarial d’aménagement (PPA) sur l’habitat ancien du centre-ville de Marseille devrait bientôt entrer dans une phase opérationnelle. Où en est-on aujourd’hui ?
Sur le PPA, il y a eu deux moments clés, la création de la SPLA-IN et aujourd’hui le coup d’accélérateur que constitue le démarrage effectif du programme de travaux. L’outil opérationnel est désormais lancé sur les 4 îlots que nous avions identifiés, Noailles-Ventre, Noailles-Delacroix, Clovis Hugues et Hoche-Versailles, ainsi qu’un cinquième îlot, multi-sites, qui représentent en tout près de 500 immeubles et plus de 2 500 logements. Un appel à manifestation d’intérêt (AMI) va être lancé en toute fin d’année en direction des bailleurs sociaux pour qu’ils commencent à se positionner sur les premiers immeubles réhabilités de ces périmètres (l’entretien avec le préfet Carrié a eu lieu peu avant Noël, NDLR).
Depuis le discours du président de la République au Pharo, qui a lancé le plan « Marseille en grand », les enveloppes ont été multipliées par deux. Pour le PPA, on est passé de 50 à 109 millions d’euros. Sur cette première phase, la SPLA-IN va pouvoir s’appuyer sur la maîtrise publique déjà effective d’environ un tiers des 182 immeubles du périmètre. Des procédures de DUP sont en cours sur une trentaine d’immeubles et des négociations sont engagées pour l’achat amiable des autres immeubles.
Sur cette première vague de trente immeubles, les gros travaux de structure (gros œuvre clos et couvert) seront effectués par la SPLA-IN, selon un protocole de coopération arrêté avec les bailleurs sociaux. Ce sont ces premiers immeubles qui seront proposés aux organismes Hlm dans ce premier AMI, pour réaliser le second œuvre, moyennant une charge foncière minorée, de l’ordre de 1 000 à 1 100 euros le mètre carré.
Sur tout le périmètre du PPA, les grandes orientations stratégiques seront définitivement arrêtées dans le courant du premier trimestre 2023 et nous serons particulièrement vigilants sur toutes les opérations privées qui vont se mettre en place en parallèle à l’action publique. L’Anah accordera des financements à taux bonifiés aux propriétaires privés, occupants ou bailleurs, pour réaliser les travaux nécessaires sur leurs biens.
Parallèlement, un programme important de rénovation urbaine est à l’œuvre avec l’Anru…
Nous avons fait un bond de géant l’année dernière avec l’attribution d’une enveloppe de 650 millions pour la rénovation urbaine à Marseille, une somme qui, aujourd’hui, a été quasiment totalement engagée. Les 14 opérations de rénovation urbaine menées sur la ville sont bouclées. Nous sommes dans la phase de finalisation des différentes conventions, opération par opération. Il ne restera, en début d’année 2023, que 50 millions à programmer. Les premiers travaux sur ces opérations de rénovation urbaine devraient commencer en 2023.
La grande question, sur ces opérations, va être le relogement des ménages lorsque leur logement a été identifié comme devant être démoli. Selon quel protocole va-t-il se dérouler ?
La règle générale, pour ce qui est des relogements, stipule qu’ils ne doivent pas être réalisés sur site, mais nous voulons privilégier une approche pragmatique. Il est possible qu’il y ait certaines dérogations, c’est à dire qu’il y aura une offre de logement aussi bien sur place que dans d’autres quartiers. Il faut de toute façon reconstruire. En tout, il est prévu de démolir 4 000 logements, on en reconstruit 7 000 dans les projets Anru en renforçant la mixité sociale.
La vraie difficulté pour ces relogements, c’est la problématique du « reste à charge » pour le locataire. Les solutions ne pourront se trouver qu’au cas par cas. On touche là de toute façon à la relation humaine. Sur le fond, nous sommes dans un processus de profondes transformations de la ville qui seront visibles concrètement d’ici 2 ans, dans le courant de l’année 2024. De toute façon, vous le savez, des opérations ont déjà démarré, à Air Bel ou à la Savine.
La ville de Marseille a également demandé qu’une action particulière soit menée sur les copropriétés dégradées. On a parlé de la mise en place d’une Orcod-In (opération de rénovation des copropriétés dégradées, d’intérêt national). Où en est-on ?
Le ministre du Logement, Olivier Klein, lorsqu’il est venu à Marseille dans le cadre des « Assises du logement », nous a donné un délai de trois mois pour instruire le dossier. La volonté du ministre est réelle, mais avant que la décision définitive soit prise sur cette Orcod-In, il nous faut de toute façon avancer et le vrai problème va être celui de la trésorerie. Même si les travaux sont financés à 100 %, certains propriétaires privés ne seront pas en mesure de pouvoir avancer les sommes nécessaires.
Olivier Klein s’est dit tout à fait prêt à soutenir la mise en place d’un préfinancement exceptionnel pour Marseille. On rencontre effectivement dans cette ville de nombreuses difficultés à financer des travaux d’urgence. L’Anah est susceptible de verser des avances jusqu’à 70 % du montant total des travaux (montant plafonné à 300 000 €), mais pour certains propriétaires, il ne sera toujours pas possible d’avancer les 30 % restants. Je me réjouis que le ministre ait montré une grande ouverture sur cette question.