Arnaud Bastide est président de la fédération des promoteurs immobiliers (FPI), laquelle préside jusqu’en mai l’Observatoire immobilier de Provence (OIP). Il nous livre ici sa vision du contexte actuel de la construction de logements.
Comment analysez-vous la situation actuelle ?
Une enquête avait été lancée un peu avant que je prenne la présidence de l’OIP, il y a deux ans. L’OIP voulait mener un travail prospectif sur l’état des lieux. Nous savions qu’il y avait un problème d’offre, nous ne construisions pas assez et il fallait relancer la machine. C’est essentiel parce que c’est la production neuve qui « dégrippe » tout le système, le logement social, l’investissement locatif, l’offre aux primo-accédants… et qui permet ainsi de fluidifier le marché.
Aujourd’hui, on s’aperçoit que la situation est encore pire que ce qu’avait prédit l’enquête, puisque la crise de l’offre ne s’est pas résolue et que nous avons en plus une crise de la demande, avec des primo-accédants qui sont désolvabilisés à cause de la hausse des taux d’intérêt et qui ne peuvent plus acheter.
Le climat global est donc plutôt orienté vers le stress. Et ce n’est pas bon. Pour acheter un logement, il faut croire en l’avenir, être serein, penser que tout va bien se passer pour vous. Les gens s’engagent tout de même pour 25 ans ! Il faut une certaine dose de confiance ! Elle n’est pas au rendez-vous.
Que faire pour qu’elle revienne ?
Dans l’immédiat, c’est très difficile. Tout a augmenté, l’essence, l’énergie… l’inflation est générale, le climat global est très anxiogène. Malgré tout, on voit que les taux d’intérêt sont en train de se stabiliser. On peut espérer que les primo-accédants vont revenir sur le marché et que nous allons pouvoir digérer la crise en nous remettant à produire des opérations. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons commencer à parler de reprise.
Mais dans le même temps, il faut absolument que le gouvernement comprenne qu’il doit accompagner le mouvement, ne pas laisser simplement les taux baisser, mais soutenir le mouvement et resolvabiliser les acquéreurs de façon plus forte. Le prêt hypothécaire serait une bonne solution, simple à mettre en œuvre. Il est d’ailleurs utilisé dans beaucoup de pays voisins, comme en Suisse, et nous pensons qu’il serait efficace aussi en France.
Un coup de pouce aux primo-accédants pourrait suffire ?
L’équation est globale. Il faut aussi relancer l’intérêt des investisseurs. C’est encore plus facile, il suffit de rendre l’investissement immobilier plus avantageux que les autres. L’investisseur va là où son argent va lui rapporter le plus avec le moins de soucis. Et il faudrait également se pencher sur la fiscalité écrasante qui pèse sur le bailleur privé.
Le quasi-arrêt des programmes neufs des promoteurs pénalise également le logement locatif social…
Les promoteurs privés produisent effectivement dans notre région 70 % de la production de logements sociaux par l’intermédiaire du dispositif de Vefa. J’entends dire, ici et là, que ce ne serait pas une bonne chose. Je crois qu’il ne faut pas se questionner là-dessus, c’est juste une donnée, c’est comme ça que ça fonctionne. Evidemment, c’est la péréquation entre les logements libres et sociaux qui permet d’arriver à ce pourcentage de production de vente de logements locatifs sociaux en Vefa, mais le souci aujourd’hui c’est que nos bilans sont de plus en plus difficiles à équilibrer et le prix pour l’acheteur privé n’est pas extensible à l’infini. Nos partenaires bailleurs sociaux le comprennent d’ailleurs parfaitement et c’est pourquoi nous devons trouver ensemble un prix de Vefa qui soit réaliste économiquement.
Rassurer les acquéreurs peut régler en partie la crise de la demande, mais reste toujours la crise de l’offre. Quoi faire ?
Vous avez raison. Quand on aura réglé le problème de la demande, il faudra de toute façon se remettre dans un dynamique de dépôt (et d’obtention) de permis de construire. Je suis convaincu que cela passera par les maires, il faut aider financièrement les maires qui ont envie de construire. Je ne crois pas à la coercition, il faut être dans le positif. La Métropole pourrait faire cela en fléchant des bonus vers les maires bâtisseurs. Nous devons convaincre le maire qui à son tour devra convaincre ses administrés. La quasi-totalité des maires sont conscients qu’ils doivent loger leur population, les jeunes qui se lancent dans la vie professionnelle, les actifs qui viennent s’installer sur leurs communes…
Le sujet de fond est celui du foncier. Nous avons besoin pour construire de beaucoup plus de foncier aménagé. Il y a un outil qui existe pour cela, la ZAC (zone d’aménagement concerté, NDLR). A l’intérieur d’une ZAC, on peut maîtriser le prix du foncier et on peut beaucoup plus facilement arriver à équilibrer les bilans d’opérations. Là encore, la Métropole pourrait lancer un processus, elle a la compétence pour piloter des ZAC.