Organisé par l’Association régionale et la Maison de l’Architecture Villa Romée, le Club « Maîtrise d’ouvrage » du 16 octobre a tiré un bilan de la crise sanitaire et du confinement. Il est resté par ailleurs fidèle à sa tradition en proposant aux participants des approches innovantes, comme le développement d’espaces partagés dans les immeubles, la démarche « design-to-cost » ou la construction modulaire.
Des solutions de construction modulaire présentées lors du Club Maîtrise d’ouvrage par LVD Energie, groupe La Varappe (Homeblok, à gauche) et Eiffage construction (à droite).
« Quelles perspectives après le confinement ? » s’est demandé le Club Maîtrise d’ouvrage organisé par l’Association régionale et la Maison de l’Architecture Villa Romée le 16 octobre dernier, juste avant le deuxième confinement. L’idée était de recueillir les témoignages des bailleurs sociaux sur les enseignements qu’on pouvait tirer d’une telle période, pour le moins exceptionnelle. Sur l’organisation des chantiers aussi bien que sur la conception des logements, le confinement aura-t-il marqué durablement les pratiques des organismes Hlm ? Actualité régionale, nouveautés et innovations dans la maîtrise d’ouvrage sociale étaient également à l’ordre du jour, comme il est de tradition dans les Clubs de l’Association régionale.
Un tour d’horizon de l’actualité
En préambule, Pascal Gallard, directeur de l’Association régionale, propose aux participants un tour d’horizon de l’actualité. L’inquiétude sur la production 2020 est évidemment présente : 400 logements sont agréés au 13 octobre. Même si un quart environ des 13 175 logements fixés dans l’objectif 2020 par l’Etat sont « dans les tuyaux », à cette date l’incertitude reste grande sur la capacité des acteurs à générer les trois-quarts restants avant le 31 décembre. Certains participants s’étonnent quand même que les partenaires n’aient pas l’air de tenir compte de la période de confinement, des chantiers arrêtés et de la pandémie, et s’en tiennent benoîtement à l’objectif initial fixé bien avant la Covid 19. « Les objectifs régionaux ? Mais ce ne sont pas ceux de mon organisme ! », lâche même un des bailleurs présent.
Dans la perspective du plan « France relance », l’enquête sur les besoins en réhabilitation thermique suit son cours avec, précise Pascal Gallard, un volume d’investissement projeté par les bailleurs de 576 millions d’euros. Hélas le confinement intervenu depuis ce rendez-vous a amené au report d’un événement envisagé avec la la Caisse des dépôts fin novembre sur le thème de « l’optimisation des financements de la relance ».
Le directeur de l’AR Hlm Paca & Corse annonce également que les partenaires de l’engagement pour le logement signé en octobre 2018 (Etat, CDC, EPF, Action Logement et Association régionale) s’apprêtent à s’engager à nouveau dans un projet commun réactualisé qui sera présenté lors du CRHH du 4 novembre (ce qui a effectivement été fait).
Quels enseignements tirer du premier confinement ?
Sur les enseignements qu’a pu apporter la période de confinement, les bailleurs sont unanimes à pointer le fait qu’il n’y a pas eu d’évolution notable dans la conception des logements (qu’on a dit trop petits, avec des extérieurs trop réduits…). Ceci s’explique, avance un des participants, par le fait du temps long des opérations. « Les chantiers actuels ont été lancés il y a deux ans, on n’a pas assez de recul. Si une prise de conscience a eu lieu, il faudra attendre deux ans pour en constater les effets ». La difficulté à s’approvisionner en matériaux, avec des frontières fermées ou des sous-traitants défaillants, a par ailleurs généré un « retour » sur la France qui a eu l’air de surprendre. « Les livraisons sont plus simples et ce n’est pas forcément plus cher ! »
Un changement très net pour plusieurs participants s’est en revanche très vite révélé dans l’organisation des chantiers. Si l’arrêt brutal, en moins de 48 h, de la plupart des chantiers a été réalisé dans l’urgence, la reprise a bénéficié d’une mise à plat et d’une réflexion plus approfondie. « Nous avons dû retravailler les plannings de façon plus fine, notamment pour organiser les présences des différents corps de métier sur le chantier, et au final cela nous a permis de réaliser d’importants gains de productivité ». « J’ai l’impression, explique un autre intervenant, que la Covid nous a permis de traiter la carence d’encadrement sur les chantiers. J’ai aujourd’hui beaucoup plus d’interlocuteurs face à moi, et c’est beaucoup mieux. »
L’expérimentation des espaces partagés
Cécile Sémery, responsable du département architecture et maîtrise d’ouvrage de l’Union sociale pour l’habitat (USH), présente ensuite les résultats d’une enquête sur les nouveaux modes d’habiter et les espaces partagés, réalisée par le cabinet « Une fabrique de la ville » à la demande de l’USH. Depuis quelques années en France, une demande d’espaces partagés, même minoritaire, suscite néanmoins un intérêt significatif dans la population. Il apparaît trois préoccupations majeures autour de cette demande : le développement du lien social (dans un contexte d’accroissement du sentiment d’isolement), la réalisation d’économies (en mutualisant certains services) et l’optimisation de l’espace du logement (vivre mieux avec moins d’espace individuel disponible).
Quelques exemples étudiés dans cette enquête font ressortir un certain nombre d’enseignements. La vacance des logements ou de locaux peut être mise à profit pour inventer de nouveaux usages et implanter de nouveaux services (organisation d’ateliers, de cuisine, de bricolage ou autre… implantation de lieux d’information ou de formation…). L’importance de la « maîtrise d’usage » – faire en sorte que ces espaces partagés soient pensés par et pour les habitants – se révèle indispensable à leur réussite.
La gestion du lieu doit être pensée en amont et anticipée, qu’elle soit assumée par le bailleur, par les locataires ou même par une structure extérieure. Certains promoteurs privés dans le cadre d’opérations en Vefa prennent en charge une ou deux années de fonctionnement de ces lieux. Un coût intégré au bilan global de l’opération. En général, le bon ratio de surface dédiée à ces espaces partagés se situe à 5 % de la SHAB. Dans des opérations d’habitat participatif, cette part peut être plus ambitieuse et atteindre 10 %.
L’étude insiste sur le fait que ces espaces partagés peuvent aussi avoir une incidence urbaine. La création de salles communes dans des rez-de-chaussée d’immeubles peut contribuer à l’animation des villes.
Des économies grâce au design-to-cost
Gilles Bodarwe, responsable de production de Logis Familial Varois, expose aux participants la démarche design-to-cost qui prend en compte le coût « objectif » d’un produit. Il s’agit de renverser la logique de développement du produit en ne déduisant pas son coût des contraintes techniques de production, mais plutôt en conditionnant les solutions techniques aux contraintes du marché.
En d’autres termes, être en capacité d’éliminer tous les coûts « inutiles » pour affiner un coût qui soit plus en adéquation avec ce que le consommateur est prêt à payer. Pour ce qui concerne plus spécifiquement le logement, cela voudrait dire, explique Gilles Bodarwe, « qu’après s’être fixé un coût-cible, on travaillerait sur l’élimination de tous les coûts qui ne sont pas directement nécessaires au confort du locataire ».
Aujourd’hui, les principaux coûts dans la construction sont plutôt « subis ». On pourrait « repenser toute notre philosophie de production en nous concentrant sur le juste nécessaire ». En effet, précise-t-il, « le locataire n’a pas forcément les mêmes exigences que la collectivité locale » qui autorise l’opération. En s’interrogeant sur tout ce qui fait le coût d’un logement, « en travaillant par rapport aux populations à loger », il faudrait peut-être privilégier une plus grande dynamique et une plus grande réactivité aux propositions de ces locataires.
Le container comme innovation performante
Enfin, deux témoignages ont exposé aux participants la possibilité de bâtir à partir d’une « brique de base » que serait le container. Le groupe Eiffage, avec Stéphane Visval, directeur d’agence résidentiel, et LVD Energie (groupe La Varappe) avec Michaël Bruel, directeur opérationnel, et Kheira Miloud, éco-conseillère énergie et eau, ont présenté les multiples avantages de la « construction assemblée en container » qui permet maîtrise du coût et rapidité de mise en œuvre.
En effet, aujourd’hui, le container, produit de recyclage, modulable, permet une économie de près de 40 % sur une construction traditionnelle (principalement sur le gros œuvre, le second œuvre étant quasiment au même coût). Disponible en deux tailles (20 ou 40 pieds, soit 12 m2 ou 26 m2) Homeblok, le produit de LVD Energie, est idéal pour des résidences étudiants ou des hébergements d’urgence.
Avec le rachat de B3 EcoDesign, une entreprise spécialisée dans la construction modulaire, Eiffage propose une solution plus industrialisée (avec des ateliers de transformation de containers) qui lui a permis de réaliser, près d’Angers, le premier des quatre bâtiments en R + 4 d’un ensemble de 36 logements pour le bailleur social Maine et Loire Habitat.
(contact Pascal Gallard)