Vous êtes le nouveau président de l’Association régionale. Comment voyez-vous les mois qui s’annoncent ?
A l’heure où nous parlons, nous sommes dans une période très particulière. Le contexte est totalement incontrôlable. Nous n’avons aucune visibilité, à court et à moyen terme, parce que nous sommes soumis à énormément de contraintes que nous ne maîtrisons pas. Les anciennes règles du jeu ne sont plus valables et les nouvelles règles ne sont pas encore écrites. On nous demande de construire plus, d’intervenir rapidement et « climatiquement » sur le patrimoine existant, d’être partenaire dans la résorption de l’habitat indigne ou le redressement des copropriétés dégradées… autant de modèles économiques qu’il faut inventer, ou réinventer. Et nous ne pourrons rebâtir ces modèles que tous ensemble, tous les acteurs concernés rassemblés autour du même objectif.
Les bailleurs sociaux sont prêts, ils sont volontaires. J’en veux pour preuve le nombre important de candidats à l’appel à manifestation d’intérêt lancé par la SPLA-IN sur le centre-ville de Marseille.
Vous pensez que cela pourra se faire dans quel délai ?
C’est toute la question. Le problème, c’est l’urgence. Il nous faut réagir tout de suite, il nous faut lancer des opérations nouvelles tout de suite. Nous sommes en juillet, c’est maintenant qu’il faut réagir pour sécuriser la production 2023.
Que propose le nouveau président de l’Association régionale ?
Je rappelle tout d’abord que l’objectif régional annuel de production de logements sociaux est de 12 000, un chiffre que nous n’atteignons pas pour des raisons dont la plupart ne relèvent pas des bailleurs sociaux. Depuis 2 à 3 ans, le nombre d’agréments obtenus chaque année tourne autour de 8 500.
Je crois sincèrement que plutôt que de se poser la question de la Vefa en disant que le pourcentage de Vefa dans la production de logements sociaux est trop important, je préfère que nous nous posions la question du trop faible volume de maîtrise d’ouvrage directe et que nous recherchions les moyens de produire plus en direct. C’est ce que je voudrais mettre en avant dans les tout prochains mois.
Sur une production de 8 500 logements sociaux, la production due à la Vefa représente près de 6 000 logements. C’est effectivement énorme en proportion. En valeur absolue, je propose qu’on garde cette production de 6 000 logements et qu’on produise plus en direct, mettons 3 500 logements de plus, cela pourrait nous permettre d’atteindre l’objectif fixé de 12 000 et d’être à 50/50 entre MOD et VEFA.
Si le constat est que les 12 000 agréments par an ne sont pas atteignables, c’est idiot de se donner ce chiffre comme objectif. Et c’est démotivant. Essayons avec nos partenaires, Etat, collectivités, de s’interroger sur la manière de l’atteindre et s’il est possible que la très grande majorité de ces 3 500 logements soit réalisée en maîtrise d’ouvrage directe.
Je sais que tous les bailleurs sociaux de la région sont prêts à faire plus de MOD, ils en ont envie, ils en sont capables. Si vraiment nous n’y arrivons pas, alors il sera temps d’en tirer toutes les conclusions et de rediscuter l’objectif.
Cela suppose que la promotion privée continue sur le même rythme…
Vous avez raison, c’est là que le bât blesse. Nous allons être confrontés à un véritable problème, la baisse de la production privée Les promoteurs, fortement impactés par la crise que l’on connaît, transforment une bonne partie de leurs programmes d’accession libre en programmes de logements intermédiaires qu’ils proposent aux organismes Hlm d’acquérir. Nombre d’entre-nous achètent ces programmes pour récupérer la quotepart de logements sociaux qui y est associée, soutenir la promotion et répondre aux attentes de certaines collectivités, mais cela mobilise une part significative de fonds propres et ce n’est pas comme cela qu’on va régler le problème majeur de la production de logements sociaux.
Qui plus est, les promoteurs annoncent déjà un « trou d’air » dans leur production en 2024/2025. Les stocks fondent et les nouvelles opérations sont complexes à élaborer. Ce trou d’air dans la promotion privée veut tout simplement dire que notre production en Vefa va chuter. Comment allons-nous réagir ? C’est maintenant qu’il faut repenser nos modèles, travailler à la relance de la MOD pour que cette période de disette soit la moins longue possible et que tout ne dépende pas de la Vefa. Tout doit se faire maintenant. Vous voyez pourquoi je parle d’urgence.
La réhabilitation de l’habitat dégradé, en centre ancien et dans certaines copropriétés, est un sujet de plus en plus mis en avant. N’y-a-t-il pas là une nouvelle direction à prendre pour les bailleurs sociaux ?
C’est une part de notre activité qui est essentielle. Non pas parce que cela va stabiliser notre capacité de production, on parle de quelques centaines de logements par an, ce n’est pas significatif en volume. En revanche, c’est essentiel pour nous, pour montrer que les organismes Hlm ne sont pas simplement des producteurs et des gestionnaires de logements, mais des aménageurs. Nous créons des programmes, nous sommes des producteurs de solutions.
Juste pour faire exemple, prenez l’opération qu’Unicil a réalisée dans une commune du littoral en rachetant un morceau de résidence de vacances. Le site est entouré de copropriétés qui se vendent très cher sur le marché libre. Unicil reconfigure le bâti pour faire 46 logements locatifs sociaux, dont 25 réservés aux jeunes actifs qui n’arrivent plus à se loger sur la commune, et une cinquantaine de logements en accession à prix maîtrisé ou en BRS. C’est une opération qui répond à un véritable besoin sur le territoire. Personne n’y trouve à redire. Et pourtant, nous avons bel et bien installé des logements sociaux, mais ils sont intégrés dans un programme plus global qui rend service au plus grand nombre.
Voilà la véritable vocation des organismes Hlm, trouver des solutions pour loger les gens, pour refaire la ville de façon harmonieuse. J’aime bien aussi prendre l’exemple de certaines villes recherchées comme Bouc-bel-Air. Quand vous vous promenez dans la commune, vous voyez une ville provençale agréable et résidentielle. Et pourtant ! Une bonne partie des logements sont des logements sociaux. Mais ça ne se voit pas.
Je le répète : un organisme Hlm est un producteur de solutions et d’intégration. Avec les membres de l’Association régionale, nous voulons en convaincre les collectivités locales et les élus. La question du logement de tous (les plus démunis, certes, mais aussi les populations d’actifs, de salariés, de jeunes, de seniors, d’étudiants…), cette question ne pourra être réglée efficacement que par une implication et une contribution des bailleurs sociaux, tout simplement parce que nous créons des programmes d’ensemble.
C’est l’idée que vous voulez porter à la présidence de l’Association régionale ?
Tout à fait. Commençons déjà à faire. Pour bâtir les nouvelles règles du jeu dont je parlais tout à l’heure, nous avons besoin de retours d’expériences. Allons-y ! Défrichons le monde nouveau qui est devant nous et bâtissons nos modèles en avançant. C’est comme cela que nous prouverons la pertinence de nos interventions.
Éric Pinatel, président de l’AR Hlm Paca & Corse