N°1 – janvier 2022
Le dernier Club Maîtrise d’ouvrage a décidé de visiter un programme de logements sociaux (Var Habitat) livrés depuis maintenant 4 ans. Tous les corps de métier de la construction étaient présents pour analyser l’évolution du programme dans le temps et mettre en exergue réussites et difficultés. Une équation qui s’est révélée très positive pour Var Habitat.
Grande première pour le Club régional Maîtrise d’ouvrage d’octobre 2021, dernier en date ! Alors que le Club (co-organisé depuis l’origine par l’Association régionale et la Maison de l’architecture – Villa Romée Provence) s’était intéressé jusqu’à présent aux opérations neuves ou aux projets en cours de réalisation, l’idée était de revenir sur un programme locatif social déjà livré pour analyser la façon dont il avait évolué. Il s’agissait de mesurer l’écart éventuel entre le projet et sa réalité et de tirer les enseignements sur les points forts ou faibles du programme après plusieurs années d’exploitation.
Un exercice pas forcément de tout repos auquel Var Habitat et Didier Harter, son directeur du développement, se sont prêtés sans conditions. Le programme choisi était « Les jardins de la Miolane » à Saint Cyr sur mer (83) livré depuis 4 ans. Didier Harter explique aux participants du Club la genèse du projet. « Sur un terrain de 2 hectares acquis par l’EPF (établissement public foncier) Provence-Alpes-Côte d’Azur, le programme devait comporter pour deux-tiers de logements locatifs sociaux et pour un tiers de logements en accession sociale, avec une partie obligatoire en Vefa. Nous avons argumenté auprès du maire pour qu’il nous donne la main sur la totalité du programme. Et nous avons réussi à le convaincre. »
Malgré une expertise naissante en matière de commercialisation immobilière, Var Habitat vend les 67 logements en accession, à l’époque « en plein milieu des vignes », en un temps record. Grâce à ce montage, précise Didier Harter, « Var Habitat a pu compenser non seulement le coût du foncier, mais même aussi l’investissement en fonds propres nécessaire à la construction des 99 logements locatifs sociaux (15 % de 17 millions d’euros) ».
La présence d’un gardien, élément essentiel de la bonne tenue de la résidence
Le chantier a été mené en conception-réalisation par Eiffage, associé au cabinet d’architecture Empreintes. La visite sur place a permis de voir que ce programme de 166 logements avait « bien vieilli ». Pour Didier Harter, la raison en est simple, « il a été bien conçu et bien réalisé ».
Pour mener la visite critique de la partie « locatif social », l’Association régionale et la Villa Romée avaient constitué 4 groupes d’une dizaine de personnes, composés de professionnels de la construction (entreprises, architectes, bureaux d’études, maîtres d’ouvrage…). Aspect technique, fonctionnel, environnement, qualité de vie, innovation… tous les aspects de la résidence devaient être passés au crible des visiteurs.
La restitution des 4 groupes en fin de matinée a mis en lumière un bilan globalement très positif. Au chapitre des points négatifs, on peut citer la protection au soleil très aléatoire d’un logement à l’autre (certains l’étaient de façon satisfaisante, d’autres pas du tout), un éclairage naturel totalement absent dans toutes les circulations, aucun appartement traversant, et du bois exotique pour constituer les volets (un choix peu correct du point de vue environnemental).
En revanche, l’ensemble des groupes s’est félicité de la présence constante d’un gardien sur les lieux (il y réside). Pour tous, cette présence est l’une des raisons essentielle de la propreté globale de la résidence, que certains qualifient même d’ « impressionnante ».
La visite d’un appartement vacant a mis en évidence la surface plutôt grande des chambres et le confort intérieur Indéniable. Un hall à vélo par immeuble (il y en a 3) et un cellier par appartement, « c’est super ! » s’est exclamé un visiteur. La visite d’un logement occupé fait apparaître un loyer particulièrement bas (380 € pour un T3) et des charges très peu élevées. Le système de traitement de l’air est très silencieux.
Un coup d’œil sur les jardins des appartements en rez-de-chaussée suffit pour voir que les locataires se sont totalement approprié les lieux et façonnent leurs jardins de façon à ce qu’ils s’intègrent dans la qualité paysagère de l’ensemble. Bravo pour le local à boîtes aux lettres, situé à l’extérieur des bâtiments, propre, bien éclairé, facilement accessible, ont déclaré tous les visiteurs.
Les garde-corps dépolis ont été jugés très pertinents (ils évitent les bâches ou les canisses et participent ainsi de la bonne tenue visuelle du programme). Le local poubelle est vaste, agréable, les arbres dans les allées de grande taille.
En conclusion, Pascal Gallard, directeur de l’Association régionale et Marion Derivière, présidente de la Maison de l’architecture – Villa Romée Provence, se félicitent de l’expérience, à leurs yeux « plutôt réussie ». Ils valident que ce principe du retour sur une opération livrée a montré toute sa pertinence et qu’il pourrait être renouvelé avec profit. D’un commun accord, ils félicitent Var Habitat d’avoir bien voulu essuyer les plâtres.
Didier Harter : « La présence du gardien a été déterminante dans l’évolution de la résidence »
Didier Harter est directeur du développement de l’OPH Var Habitat.
Quelle première impression après cette visite ?
D’abord, je veux préciser que je ne savais pas du tout à l’avance ce que nous allions trouver à La Miolane. J’ai été très agréablement surpris de voir l’état de la résidence aujourd’hui alors qu’elle a été livrée il y a 4 ans. De mémoire de bailleur social, on voit souvent pire.
Vous en tirez quels enseignements ?
Honnêtement, je ne sais pas. Peut-être que cette résidence est en trop bon état… Plus sérieusement, je pense d’abord que le travail de conception est primordial. Si c’est bien conçu, il y a des chances que ça fonctionne bien. Ensuite, je m’aperçois que la présence du gardien a été déterminante dans l’évolution de la résidence au fil du temps. On a eu tendance ces dernières années, et je parle là de tous les bailleurs sociaux, à réduire le nombre de gardiens. En fait, il faudrait peut-être bien les augmenter.
Vous étiez l’opérateur unique pour tous les logements. Avec le recul, et au regard de la façon dont vit la résidence, ce n’était pas forcément un mauvais choix…
Absolument pas. C’était notre première expérience du genre. A l’époque, nous pensions qu’il allait être compliqué de mélanger accession et locatif social, que le relationnel serait difficile entre propriétaires et locataires. En fait, on s’aperçoit que depuis 4 ans, il y a eu très peu de problèmes qui nous sont remontés. Globalement, ça fonctionne très bien, au contraire.
Nous nous sommes très vite aperçus de ça et nous avons souvent, depuis, renouvelé ce genre de montage. Aujourd’hui, nous réalisons deux tiers de nos opérations tout seuls en mixant nous-mêmes des produits différents de logements. Nous ne faisons quasiment plus de programmes avec uniquement des logements sociaux et nous montons nos opérations de plus en plus comme un promoteur privé. Nous venons de créer, depuis 6 mois, un OFS (organisme de foncier solidaire) et 4 opérations sont en cours avec le dispositif du BRS (bail réel et solidaire).
Pour vous, le BRS est une bonne solution à la mixité ?
On n’a plus vraiment le choix aujourd’hui. Les logements en BRS entrent dans le calcul du quota SRU. Ce sont les maires qui nous poussent. Dans certaines communes, ils ne font plus que ça, du locatif social et du BRS, c’est la nouvelle mixité. Et 100 % des logements sont comptabilisés SRU. Pour nous, bailleur, c’est une situation idéale. Nous restons l’opérateur unique des programmes.
Marion Deriviere : « Nous allons essayer de faire une visite de ce type par an »
Marion Derivière est présidente de la Maison de l’architecture – Villa Romée Provence, co-organisatrice du Club régional Maîtrise d’ouvrage.
Pourquoi cette idée de visiter un programme livré depuis longtemps ?
Nous avons organisé de nombreux Club Maîtrise d’ouvrage avec l’AR Hlm. Il y a toujours des idées qui sont lancées par les uns et les autres… En l’occurrence, lors d’une rencontre, en janvier 2020, l’idée a été émise de visiter un projet déjà livré pour voir comment il vivait. Cela nous a paru novateur et nous avons saisi la balle au bond. Il est vrai que, lorsque vous écoutez tous les corps de métier du bâtiment, vous vous apercevez très vite que chacun a des contraintes que les autres ne comprennent pas toujours. C’était l’occasion d’échanger les points de vue, confronter les expériences et le vécu autour d’une opération déjà livrée, et, par conséquent, dont l’enjeu n’était plus immédiat.
Pourquoi « Les jardins de la Miolane » ?
C’est une opération que nous avions visitée pendant le chantier et Pascal Gallard a demandé à Var Habitat si nous pouvions y retourner. Ils ont tout de suite accepté.
Comment les participants ont-ils apprécié ces visites et leur restitution ?
Tous ont été unanimes pour dire que c’était très instructif sur leurs pratiques. Tous ceux à qui j’ai posé la question m’ont confirmé qu’ils souhaitaient qu’on monte d’autres rendez-vous de ce type. Ils sont très intéressés par le fait de voir a posteriori ce qui a marché ou pas dans un programme.
Nous allons peut-être essayer de faire une visite de ce type par an. Il faudra tout d’abord que nous fassions ensemble un bilan de cette première expérience et que nous en tirions les enseignements pour l’organisation d’une prochaine visite.
De votre point de vue, qu’est-ce qui a été le plus réussi ?
J’ai beaucoup aimé le mélange des opinions, entre ceux qui avaient participé au projet et ceux qui le découvraient. C’est quelque chose que nous devons absolument conserver, cette pluralité des regards, quelquefois dans la confrontation.
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Directeur de la publication : Robin HAMADI
Rédacteur : Michel COUARTOU