Jean-Louis Masson est vice-président de la métropole Toulon Provence Méditerranée, président de la commission « politique de la ville et équilibre social de l’habitat ».
Vous êtes chargé de l’habitat au sein de la métropole Toulon Provence Méditerranée dont une grande partie des communes a fait l’objet d’un arrêté de carence. Quelle va être votre politique ?
Vous avez raison, la particularité de Toulon Provence Méditerranée, c’est d’avoir 11 communes carencées sur 12. La Garde, dont je suis le maire, ne l’est pas, mais il faut savoir que les maires successifs se sont intéressés au problème depuis 25 ans, une génération et demie. Cela prend du temps. Pour les autres communes, l’objectif d’atteindre 25 % de logements sociaux d’ici 2025 est totalement irréalisable. Lorsque j’étais député, j’ai été l’auteur d’une proposition de loi pour dire qu’on abandonnait le quota de 25 % sur le nombre total de logements de la commune, mais qu’on établissait une obligation de produire 25 % de logements sociaux sur tous les nouveaux programmes, c’est-à-dire non plus sur le stock, mais sur le flux. Je n’ai pas été entendu.
Les maires ne font pas preuve de mauvaise volonté, bien au contraire. Sur la Métropole TPM, tous les maires veulent produire du logement social sur leur commune, ne serait-ce que pour loger leurs administrés dans une perspective de parcours résidentiel. Mais sur notre territoire, il n’y a pas que la loi SRU qui s’applique, il y a aussi les lois ou les réglementations sur le littoral, les zones naturelles, les inondations, les incendies… Des textes quelquefois même contradictoires. Dans ces conditions, il est très difficile de répondre aux exigences de la loi SRU. Et l’objectif de 25 % de logements sociaux en 2025 est totalement inatteignable. Ne pas pouvoir atteindre un objectif inatteignable ne devrait pas être sanctionné.
A défaut, vous pouvez essayer de vous en approcher…
Le PLH en vigueur jusqu’en 2020 imposait 30 % de logements sociaux sur les nouveaux permis de construire. Depuis une dizaine d’années, nous exigeons cela et ça a fonctionné. Nous sommes conscients de l’effort à faire. Nous répondons ainsi à deux objectifs : le rattrapage indispensable du nombre de logements sociaux, mais aussi le maintien d’une mixité sociale dans un parc social de qualité. Le taux de logements sociaux est en hausse mais pas de manière brutale et sans effets pervers.
Nous avons fait deux PLH jusqu’à présent, 2010-2015 et 2015-2020. Nous sommes aujourd’hui en train de bâtir un nouveau PLH dans lequel nous affirmerons une volonté de construire du logement social, en continuant à nous baser davantage sur le flux. C’est une course sans fin, quand vous construisez des logements sociaux vous devez en construire encore plus pour maintenir le pourcentage. Si nous voulions atteindre les 25 % en 2025, il faudrait construire uniquement du logement social pendant 4 ans. Et ce ne serait pas non plus efficace partout. Sur La Crau, par exemple, une commune de 15 000 habitants, si nous ne construisions que du logement social, nous atteindrions le quota en… 2038.
On ne peut pas construire une seule forme de logements, créer des ghettos. On a besoin de diversité, de logements privés, d’accession à la propriété. Il faut créer un parcours résidentiel. On a vu ce que donnaient les cités des années 70. Depuis quelques années, depuis le ministère de Jean-Louis Borloo, on parle de mixité sociale, de quartiers mélangés. Dans ces quartiers où se mélangent logements sociaux et logements privés, les problèmes sont grandement aplanis. Les erreurs du passé ne doivent pas être reproduites.
Sur le territoire de la Métropole, un pourcentage important de logements sociaux a été réalisé ces dernières années dans toutes les communes. Et avec le renouvellement urbain, à Toulon, à La Seyne, à Hyères… il y a non seulement des opérations neuves mais aussi des acquisitions-améliorations.
Quels seront les grands axes de ce nouveau PLH en cours d’élaboration ?
Nous allons nous attaquer aux logements insalubres pour les remettre sur le marché en aidant les propriétaires privés. Sur tout le territoire métropolitain, nous avons l’intention de favoriser l’amélioration de logements qui sont aujourd’hui en grande partie vacants, en aidant aussi la mise aux normes énergétiques. Ces logements seront conventionnés ensuite entre la ville et le propriétaire. Nous allons en faire un axe fort de notre politique future de logement. C’est une façon de faire du logement social avec le privé.
Nous allons également nouer des partenariats avec des associations agrées qui font de l’intermédiation locative, avec un accompagnement social de la famille. Ces actions sont complémentaires de ce que nous réalisons en matière de renouvellement urbain sur Hyères, Toulon, ou La Seyne. Dans ces deux dernières communes, ces opérations agissent en profondeur pour transformer les centres anciens. On en voit aujourd’hui les effets, mais il a fallu du temps, ce sont des actions qui ont été lancées il y a plus de dix ans.
Entre l’ancien et le nouveau PLH, il y a un « entre-deux ». Vous allez fonctionner comment dans cet intervalle ?
En principe, ce PLH devrait être finalisé dans deux ans. Aujourd’hui, nous continuons à mener notre politique du logement dans l’esprit de l’ancien PLH, quelquefois même en anticipant des mesures que nous envisageons. C’est toujours un peu compliqué de discuter avec l’Etat sur des objectifs qui sont fixés nationalement, que les services veulent appliquer coûte que coûte. L’enjeu pour nous est d’arriver à faire accepter les singularités de notre territoire. Ce n’est pas toujours facile, mais forts de l’expérience de nos deux précédents PLH, nous avons bon espoir d’y arriver. Nous avons déterminé une vraie stratégie de développement de nos bassins de vie, avec des axes très forts, autour des thèmes de la mer, la défense, le tourisme. C’est une stratégie globale dans laquelle la politique de l’habitat prend tout son sens.
Aujourd’hui, nous avons suffisamment de maturité pour affirmer des choix. Nous voulons réussir un PLH qui soit ancré dans la réalité du territoire, réaliste, avec de nouvelles dispositions. Un PLH plus politique et plus seulement technique. Nous voulons y insuffler une vision politique publique globale et pas partisane. Sur votre question de l’entre-deux, c’est très simple, on applique l’ancien PLH aménagé, actualisé. Nous continuons sur la lancée.
Vous avez voulu être territoire pilote du plan « logement d’abord ». Pour quelle raison ?
Nous avons répondu à l’appel à manifestation d’intérêt sur le logement d’abord parce que nous considérons que le sans-abrisme est un problème important. Nous avons bâti un projet et nous sommes très contents d’avoir été retenus. Ce sont des actions qui s’insèrent dans le volet social et solidaire de notre politique de l’habitat. Au-delà du bâti, c’est fondamentalement un projet social.
Dans la partie très urbanisée de la Métropole, le sans-abrisme est une question que nous devons absolument traiter et je suis content que nous puissions le faire avec des financements de l’Etat.
Le côté social de l’habitat va d’ailleurs prendre de plus en plus de place dans nos actions. Suite à la loi Notre, le FSL (Fonds de solidarité pour le logement) a été transféré d’une compétence départementale à une compétence métropolitaine. Cela depuis le 1er janvier 2020. En lien avec la CAF, nous avons mis en place des dispositifs pour accompagner les familles qui ont des difficultés à payer leur loyer ou leurs dépenses d’énergie. Nous faisons la même chose avec les jeunes au travers du FAJ, le Fonds d’aide aux jeunes. C’est une compétence nouvelle pour la Métropole, que nous commençons réellement à prendre à notre compte et nous allons intégrer pleinement ce côté plus social dans le PLH que nous sommes en train de bâtir.
BIO
- Titulaire d’un DESS de science politique, Jean-Louis Masson fait carrière dans la gendarmerie et obtient le grade de colonel.
- En 2000, à 46 ans, il prend sa retraite pour présenter sa candidature à la mairie de La Garde, sa ville natale, en 2001. Il est élu au second tour et régulièrement réélu depuis.
- Jusqu’en 2017, il est président de la Sagem, société d’économie mixte, bailleur social, aménageur public, gestionnaire de grands équipements.
- En 2017, il est élu député du Var et quitte son poste de maire.
- Il redevient maire en 2020.
- Il est vice-président de la communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée depuis sa création en janvier 2002 et il le reste après sa transformation en Métropole en janvier 2018.