EVACUATIONS A MARSEILLE : UNE « MOUS RELOGEMENT » QUI OUVRE DES PERSPECTIVES
A l’heure où un nouveau marché a été lancé par l’Etat pour la prise en charge des délogés à Marseille, nous faisons un point avec Soliha Provence qui assure la MOUS relogement depuis décembre dernier. Les organismes Hlm ont été un partenaire essentiel de cette MOUS assurant le relogement de plus de 300 ménages.
L’Etat vient de lancer un marché d’assistance au relogement des ménages évacués à Marseille depuis les effondrements de la rue d’Aubagne pour prendre le relais de la MOUS (maîtrise d’œuvre urbaine et sociale) signée le 12 décembre 2018 avec Soliha Provence. C’est le moment d’un premier bilan. Les chiffres, bien sûr, évoluent chaque jour puisque dans le même temps où certains ménages sont relogés, d’autres sont, encore aujourd’hui, obligés de quitter leur logement, même si le rythme de ces évacuations s’est nettement ralenti.
Il reste que l’implication des organismes Hlm dans cette mission est très forte. Soliha Provence annonce avoir relogé à ce jour (chiffres arrêtés au 20 septembre 2019) 573 ménages, soit 1409 personnes, dont 324 dans un logement social, 127 dans le privé et 43 par le biais de l’AP-HM et des associations.
Reloger en urgence les ménages évacués
Le système est simple. Soliha Provence loue les logements sociaux proposés par les bailleurs et les sous-loue aux ménages sinistrés. Il lui faut en même temps veiller à la localisation adéquate des logements (par rapport à la situation des personnes délogées), assurer un ameublement minimum de ces résidences principales provisoires, et quelquefois accompagner les ménages dans leurs démarches. Une gageure à bien des égards.
Difficilement imaginable à l’automne 2018 ce résultat est le fruit de la rencontre de deux cultures professionnelles complémentaires. Celle d’un opérateur de l’insertion par le logement qui a su très vite constituer une équipe pluridisciplinaire, assurer la visite technique des logements, confirmer leur réservation au bailleur, les meubler et y installer des familles après un diagnostic social approfondi. Et celle de 15 bailleurs sociaux qui ont réussi à adapter leurs procédures, prospecté dans leurs patrimoines, mis à disposition des salariés experts… avec l’appui de l’Association régionale qui a régulièrement animé des séances de travail collectives pour mettre au point une procédure et des outils et « faire le lien » entre tous les acteurs concernés.
Un ajustement permanent
Jean-Jacques Haffreingue, directeur de Soliha Provence, souligne « l’engagement des bailleurs sociaux qui ont bien répondu à notre demande avec des équipes motivées et à l’écoute dans toutes les réunions que nous avons eues ». Au final, le mouvement Hlm, tous bailleurs confondus, a proposé près d’un millier de logements à Soliha Provence (966 exactement) dont un tiers (367) ont été retenus par l’association qui a signé aujourd’hui 324 baux pour des logements qu’elle met à disposition des ménages sinistrés. Pourquoi seulement un tiers ? « Les besoins que nous avons sont très fluctuants, explique Jean-Jacques Haffreingue. Selon le profil des ménages évacués et leurs besoins, qu’évidemment nous ne connaissons pas à l’avance, nous sommes obligés de faire des choix dans des délais très courts. Il ne se passe pas plus de 15 jours entre le moment où un bailleur nous propose un logement et celui où nous devons répondre, à savoir prendre ou non ce logement. Et bien sûr, nous refusons à l’instant t certains logements que peut-être nous rechercherons à un autre moment… mais alors ils ne seront plus libres. C’est un ajustement permanent ».
A ce jour, 145 ménages sont encore à l’hôtel et les bailleurs qui ont du patrimoine à Marseille continuent de proposer leurs logements à la MOUS. « L’Association régionale a joué un rôle majeur, précise Jean-Jacques Haffreingue, en participant à toutes les réunions que nous avons eues avec l’Etat et la ville de Marseille, et en assurant une interface solide avec les organismes Hlm ».
Une indispensable responsabilisation des propriétaires privés
Un engagement qui pourrait s’avérer à double tranchant, explique Bernard Oliver, président de l’AR Hlm PACA & Corse, « si les pouvoirs publics ne sont pas intransigeants avec les propriétaires indélicats. Savoir que le mouvement Hlm est prêt à accueillir leurs locataires lorsqu’il y a péril pourrait inciter les propriétaires mal intentionnés à laisser pourrir les situations. L’Etat et la Ville doivent être très vigilants sur cette question ».
Il semble effectivement indispensable que dans le même temps un effort au moins équivalent soit demandé aux propriétaires des logements concernés. C’est bien leur défaillance qui est à l’origine du problème posé aux édiles marseillais et tout doit être entrepris pour la remise en état des immeubles évacués, depuis les parties communes jusqu’aux logements eux-mêmes. « La masse de la demande de logement exprimée à Marseille par des ménages « prioritaires » n’est pas compatible avec des traitements qui pourraient être regardés comme discriminants, rajoute Bernard Oliver. Il y va de la crédibilité de tout le dispositif mis en place, mais aussi de celle des futures actions à engager. Même en croissance, le parc locatif social n’a pas la capacité de répondre seul à la totalité des demandes en attente. »
Une véritable stratégie de réhabilitation
L’action ainsi engagée avec succès par les partenaires pour traiter l’urgence pourrait prendre demain une tournure opérationnelle. C’est le sens de la signature du Projet Partenarial d’Aménagement Marseille-centre par Bernard Oliver au nom de l’AR Hlm PACA & Corse. Si les organismes Hlm se sont engagés dans un premier temps dans l’urgence, ils ont autorisé leur président, après discussion en Conseil d’Administration en mai dernier, à donner une dimension plus stratégique et pérenne à leur engagement en considérant « qu’ils ne pouvaient pas ne pas être présents » dans la démarche ambitieuse de la Métropole, de la Ville de Marseille et de l’Etat pour éradiquer le parc dégradé du centre de la cité phocéenne. Dans ce nouveau cadre, l’expérience acquise avec Soliha Provence sera de la plus grande utilité. Elle aura ouvert des perspectives.
Si tous les acteurs sont au rendez-vous, d’une Mous exceptionnelle conçue dans l’urgence, on pourrait en arriver à une véritable stratégie partenariale de réinvestissement sur le parc ancien intégrant un dispositif de relogement.
Quoi qu’il en soit, les bailleurs sociaux restent très mobilisés sur cette question.