N° 40 – avril 2020
LES BAILLEURS SOCIAUX PLÉBISCITENT LA PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE
Une synthèse des 4 dernières enquêtes sur la qualité environnementale des logements neufs des bailleurs sociaux menées par la CERC Paca fait apparaître des tendances de fond sur près de 7 années. La performance énergétique tient la pole position, suivie par la mise en place de dispositifs de suivi des consommations. Les modalités de construction (chantier vert, appel à des compétences spécifiques, AMO ou BET) sont également à la hausse.
Tous les deux ans, depuis 2012, la Cellule économique régionale de la construction (CERC Paca) réalise, à la demande de l’Association régionale, une enquête sur « la qualité environnementale dans les constructions de logements neufs des bailleurs sociaux de Provence-Alpes-Côte d’Azur ». Ce suivi régulier de la volonté des organismes Hlm de la région d’aller vers une démarche de qualité environnementale ou de performance énergétique permet aujourd’hui d’avoir un recul sur une période de sept ans avec les résultats de quatre enquêtes.
La CERC vient de publier cette synthèse de 7 années de constructions neuves réalisées en maîtrise d’ouvrage directe par les bailleurs sociaux (les logements achetés en Vefa auprès de la promotion privée ne sont pas pris en compte). Plus de 63 % des programmes pour lesquels un permis de construire a été délivré entre 2011 et 2017 ont été renseignés par les organismes Hlm qui ont toujours été très nombreux à répondre à l’enquête de la CERC. Cela garantit une bonne représentativité des résultats.
Une première réalité est que les bailleurs pèsent énormément sur la qualité environnementale des constructions. Les programmes réalisés représentent 8,5 % des logements ayant obtenu un permis dans la période considérée. Mais ils pèsent 41 % des réalisations engagées dans une démarche de qualité environnementale auprès des certificateurs. En effet, pour valoriser leurs efforts en la matière, les bailleurs engagent chaque année près de la moitié de leurs projets dans une certification QE.
Part des opérations engagées dans une démarche de certification environnementale selon l’année d’autorisation du permis (document CERC)
Cette approche des bailleurs révèle surtout leur volonté de valorisation de leurs opérations. Pour ce qui est du niveau de qualité environnementale atteint, on s’aperçoit que parmi les actions mises en place le plus souvent, celles qui concernent la performance énergétique ont eu tendance à augmenter au cours des 3 dernières vagues d’enquête. Le choix des équipements les plus efficaces énergétiquement (84 % des opérations ont mis en œuvre ce choix), la mise en œuvre des principes de l’architecture bioclimatique (76 %) ou l’installation d’un système de suivi des consommations par poste et par logement (71 %) se rencontrent de plus en plus dans les programmes neufs des organismes Hlm, tout comme, d’ailleurs, dans un autre registre, l’accessibilité des personnes à mobilité réduite.
Recul des énergies renouvelables ou des matériaux biosourcés
En revanche, sont de moins en moins mis en place les équipements de réduction de consommation d’eau (mais tout de même encore sur 74 % des programmes), l’analyse environnementale préalable du site (68 %), la production d’énergies renouvelables (39 %), la réalisation d’une simulation thermique dynamique (30 %), les matériaux à faible énergie grise (27 %), les matériaux produits régionalement (16 %) ou l’utilisation du bois dans la construction (15 %).
Il semblerait donc que les matériaux ne soient pas une préoccupation des bailleurs à l’heure actuelle, qui préfèrent privilégier la performance à l’usage. Cette dernière est aujourd’hui la thématique privilégiée.
Les modalités de construction bénéficient quant à elles d’une attention plus particulière qui augmente régulièrement avec le temps. Ainsi, la signature d’une charte de chantier vert (sur 62 % des programmes), la sensibilisation des entreprises à la QE (47 %), l’exigence de compétences spécifiques QE (46 %) ou qui concernent la performance énergétique (32 %) se rencontrent de plus en plus souvent. Seule l’obligation pour les entreprises d’insérer une clause d’insertion sociale dans les marchés (48 % aujourd’hui) se rencontre de moins en moins souvent.
Sont en hausse indéniable tous les dispositifs de suivi après livraison : la réalisation d’un test d’étanchéité à l’air (75 %), l’information des locataires sur l’usage des équipements (74 %) ou le suivi de la qualité environnementale des logements (25 %). Peu mises en avant lors de la première vague d’enquête, ces dispositifs enregistrent une hausse constante au fil du temps.
Près d’un quart des opérations peuvent être considérées comme exemplaires
La synthèse de ces 4 enquêtes a permis à la CERC de dégager 4 profils types qui se répartissent presque de façon équilibrée. Les projets qui rencontrent des difficultés multiples (financement, délais…) ou que le bailleur considère comme à enjeu minime sont très peu accompagnés en matière environnementale. Ils représentent 22,5 % de la production totale.
Les projets qui affichent une réelle volonté d’économie d’énergie, qui veulent optimiser la consommation et garantir une performance à l’usage représentent quant à eux 20,5 % de la production. Le tiers des projets ajoutent à cette préoccupation de maîtrise de la consommation des actions relatives à la gestion du chantier ou du projet lui-même (AMO ou maîtrise d’œuvre spécialisée).
Enfin, pour 24 % d’entre eux, les programmes des organismes Hlm cherchent à être exemplaires en s’engageant sur l’ensemble des thématiques listées par la CERC et en prenant également en compte l’importance du choix des matériaux.
A l’heure où nous publions cette Lettre DDSE, une réflexion s’engage pour enrichir ces travaux en les étendant pour les enquêtes à venir, aux opérations acquises en Vefa par les bailleurs sociaux auprès de promoteurs.
JULIEN CAPPA : « LA RE 2020 DEVRAIT SUSCITER UN RENOUVEAU DES ENERGIES RENOUVELABLES »
(Photo CERC Paca)
Vous avez piloté, au sein de la CERC, la synthèse de ces études. Quelle enseignement principal en tirez-vous ?
La vraie tendance de fond sur ces dernières années est l’accent de plus en plus fort mis sur la performance énergétique. Les bailleurs sont gestionnaires d’un parc et il attendent que ce parc soit performant dans le temps. C’est légitime. En même temps, cela leur permet de maîtriser au mieux les charges locatives pour leurs locataires, et là aussi c’est légitime pour un bailleur social. C’est une tendance cohérente.
Dans la même optique, on voit qu’ils renforcent de plus en plus les dispositifs de suivi des consommations ou les modalités d’information des locataires. Tout cela est logique.
Mais le peu d’intérêt pour les matériaux biosourcés ou les énergies renouvelables…
Je pense que l’intérêt va réapparaître. Les bailleurs sociaux ont toujours tendance à anticiper les réglementations. On l’a vu pour la RT 2012. Ils vont faire la même chose pour la RE 2020. On peut imaginer que l’emploi des énergies renouvelables va se développer de plus en plus et on peut prévoir sans grand risque que l’objectif pour l’avenir sera les bâtiments à énergie positive. D’autant que cela ira encore dans le sens d’une baisse des charges locatives.
Globalement que diriez-vous, avec un recul de 7 ans ?
Sur le plan pratique et technique, les organismes Hlm ont réellement bien joué le jeu de l’enquête, avec un très fort taux de réponses de leur part à notre questionnaire. Je profite de l’occasion pour les en remercier. Et puis, l’enseignement général fort, c’est quand même que le mouvement Hlm est un acteur exemplaire de la qualité environnementale, avec plus de 40 % des certifications alors qu’il représente moins de 10 % de la production neuve.
Vous avez des statistiques sur la production privée, qui pourraient nous permettre de faire des comparaisons ?
Non, nous n’avons pas d’enquête du même genre sur le secteur privé. Tout ce que je peux vous dire, c’est que nous menons une étude similaire sur les collectivités locales et la production de bâtiments tertiaires (mairies, écoles, crèches, équipements publics en général). On s’aperçoit que le niveau d’exigence en matière environnementale est bien moins élevé, peut-être parce que le panel de ces bâtiments est beaucoup plus hétérogène.
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Directeur de la publication : Pascal GALLARD,
Rédacteurs : Michel COUARTOU, Aurélien DEROCHE