N°7 – janvier 2022

VERS UNE MEILLEURE COORDINATION DES DISPOSITIFS D’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL LIES AU LOGEMENT

Suite à une instruction ministérielle de mai 2021, les services régionaux de l’Etat (DREAL et DREETS) organisent depuis septembre la coordination des différents dispositifs existants d’accompagnement social vers et dans le logement et plus précisément ceux du FSL et du FNAVDL. La démarche vient de s’engager, un premier bilan est attendu dans un an.

Nous avons rencontré Pierre Franc, chef du service Energie Logement de la DREAL PACA et Léopold Carbonnel, directeur adjoint de la DREETS PACA.

 Le 15 septembre dernier, la DREAL (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) et la DREETS (direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) ont officiellement lancé un processus de coordination des dispositifs d’accompagnement d’insertion par le logement. Il s’agit de mettre en place une meilleure articulation des acteurs de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

La problématique posée est simple : quelles sont les complémentarités existantes et à construire entre les dispositifs d’accompagnement visant l’accès et le maintien dans le logement des personnes en situation de précarité socio-économique ? Cette démarche de coordination fait suite à une instruction du 26 mai 2021 du ministère du Logement qui vise à « renforcer les moyens d’accompagnement vers et dans le logement ou les actions qui peuvent contribuer à la fluidité des dispositifs ». Il s’agit de construire un projet au niveau des départements avec une coordination et une animation régionale dans l’optique d’une stratégie pluriannuelle 2022-2024.

Décloisonner les dispositifs

Pour décloisonner les différents dispositifs d’accompagnement qui existent au niveau local, la Dihal (délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement) préconise 4 niveaux d’intervention. Le premier est politique, il permet d’optimiser les ressources entre financeurs. Le second est stratégique, il définit les grands axes d’allocation. Le troisième est opérationnel, il alloue les ressources et définit les modalités d’intervention. Le dernier, enfin, est au niveau des pratiques, il met en place une acculturation réciproque des différents acteurs autour de valeurs et pratiques communes.

Les mesures d’accompagnement existantes sont très nombreuses (parmi elles : IML accompagnement, Un chez soi d’abord, centres provisoires d’hébergement, prévention des expulsions, MOUS, AVDL, ASELL, mesures pour les femmes victimes de violences, CLLAJ, RSA, APA…). La démarche de coordination va s’articuler autour d’un rapprochement entre le FSL (fonds de solidarité pour le logement) qui gère les mesures  ASELL au niveau départemental et/ou métropolitain, et le FNAVDL (fonds national d’accompagnement vers et dans le logement), qui a été réformé depuis 2020 et  abondé par les bailleurs sociaux à hauteur de 30%, puis par Action Logement également, en 2021, avec la mise en place d’un comité de gestion régional (voir plus loin l’entretien que nous ont accordé Pierre Franc et Léopold Carbonnel).

Des groupes de travail se mettent en place en région, qui réunissent l’Etat et les acteurs locaux (référents FSL et FNAVDL, territoires en expérimentation du Logement d’abord, SIAO, Conseil départemental, DDETS, bailleurs sociaux…) pour l’élaboration d’un référentiel commun de l’accompagnement social vers et dans le logement. Des coopérations avec les expérimentations en cours seront établies (GCSMS – groupement de coopération sociale et médico-sociale, SPIE – service public de l’insertion et de l’emploi, équipes de prévention des expulsions, accompagnement Hors les murs…).

Programmation pluriannuelle 2022-2024

Autour de cette mise en réseau des acteurs à l’échelle locale, va se déployer entre 2022 et 2024, une programmation pluriannuelle (comme le demande la circulaire ministérielle du 26 mai 2021) qui s’articule autour de deux piliers : l’accélération des parcours d’accès au logement et le renforcement des dispositifs de maintien dans le logement.

Cette stratégie passe par 5 axes. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, il faudra d’abord doter la région d’une offre de qualité en matière d’hébergement d’urgence. Cela demande de développer les centres (1000 places de plus en 3 ans), de renforcer le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile (700 places) et de savoir mieux faire face aux situations exceptionnelles (en constituant des réserves financières sur le budget opérationnel).

Il faudra également améliorer l’identification et l’orientation des publics concernés. C’est le but poursuivi par la mise en place d’une grille d’analyse des situations, harmonisée sur la région (voir également à ce sujet l’entretien ci-dessous) et cela sous la responsabilité du SIAO (service intégré d’accueil et d’orientation) qui devient le pilier de l’ensemble du dispositif. Le troisième axe propose de mieux valoriser le logement accompagné. Pour cela, il est question de poursuivre la production de tels logements (700 places en 3 ans), développer l’IML (intermédiation locative) avec 1800 places prévues en 3 ans, et amplifier la collaboration avec les bailleurs sociaux.

Le quatrième axe consistera à repenser l’offre d’accompagnement : mieux coordonner les interventions, généraliser les PFTA (plateforme territoriale d’accompagnement social), expérimenter des passerelles entre secteur social et secteur public de l’emploi, renforcer l’accompagnement sanitaire et médico-social. Enfin, le dernier axe sera celui du pilotage et de l’observation en améliorant les outils de veille sur le sans-abrisme et le mal-logement, en développant les CPOM (contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens) et en engageant une réforme de la tarification des CHRS.

Pierre Franc, Léopold Carbonnel : « Il y a un vrai enjeu de lisibilité sur les dispositifs FSL et FNAVDL »

 Pierre Franc est chef du service Energie Logement de la DREAL PACA. Léopold Carbonnel est directeur régional adjoint de la DREETS PACA.

Pierre Franc (photo Dreal PACA)              Léopold Carbonnel (photo Dreets PACA)

En quoi consiste la démarche que vous menez conjointement ?

Pierre Franc : Nous avons la volonté de travailler avec les DDETS et les collectivités pour voir de quelle manière nous pouvons améliorer l’articulation des dispositifs d’accompagnement qui existent, à savoir le FSL et le FNAVDL, pour ne pas se disperser. Le FSL est géré par le département ou la métropole, le FNAVDL par l’Etat. Il y a donc deux angles d’attaque sur des sujets certes différents mais complémentaires. Pendant la crise sanitaire, on a vu que des sommes d’argent très importantes avaient été investies pour accompagner les plus démunis. Nous allons poursuivre cet effort, mais avec la volonté d’une bonne allocation des deniers publics. Cela passe donc par une bonne articulation des dispositifs existants.

Léopold Carbonnel : Il est clair que la coordination des moyens en matière d’accompagnement social vers le logement est un enjeu fort des politiques publiques. Il faut bien sûr employer l’argent de la meilleure façon possible, mais il faut aussi essayer de transformer et d’améliorer la démarche d’accompagnement. Il y a une offre très dispersée aujourd’hui, par types de publics. D’un côté les SDF, avec un accompagnement spécifique, et de l’autre, les populations prioritaires, au titre du DALO par exemple. Les dispositifs administratifs sont très cloisonnés et ça ne facilite pas les échanges de pratiques alors que le métier de base reste le même, travailler sur l’accompagnement, l’accès à l’emploi, la stabilité des revenus, l’accès au logement… globalement, c’est la même chose. Il y a un vrai enjeu de lisibilité sur ces dispositifs, c’est une demande que font depuis très longtemps les bailleurs sociaux et les associations.

Où en est-on dans le processus ? Est-il possible d’établir un premier bilan ?

Pierre Franc : Le 16 novembre s’est réuni un groupe de travail avec les référents FSL et FNAVDL. L’ordre du jour était le suivant : présentation du fonctionnement général du FSL, état des lieux des autres dispositifs, présentation de l’organisation interne en matière d’accompagnement social et travail de réflexion à mener sur les objectifs à fixer pour améliorer la coordination des dispositifs. Une autre réunion aura lieu en avril/mai 2022. Nous en sommes au début du processus. Il est encore trop tôt pour établir un bilan, mais une chose est sûre : le rôle des bailleurs sociaux sera essentiel.

Léopold Carbonnel : C’est en effet important de prendre en compte les attentes des bailleurs sociaux. Même les ménages les plus en difficulté n’ont pas forcément besoin d’accompagnement social, mais il faut que les bailleurs sachent à qui s’adresser en cas de problème. Dans certains territoires, ça fonctionne et dans d’autres non. L’enjeu c’est d’optimiser le partenariat avec le mouvement Hlm. C’est d’ailleurs inscrit dans le FNAVDL et c’est un enjeu qui impacte tout le secteur social. Il faut développer les échanges. On milite pour cet accompagnement social vers le logement, mais il faut les deux, un logement et un accompagnement.

Quels sont vos objectifs ?

Léopold Carbonnel : Nous ferons un point d’étape à la fin du 1er trimestre 2022. Nous aurons alors les propositions des groupes de travail que nous pourrons mettre à la discussion au sein du CRHH. Il convient de prendre le temps d’un diagnostic par territoire.

Pierre Franc : Il faut être réaliste. Nous nous sommes donnés 18 à 24 mois pour atteindre nos objectifs. L’idée c’est que chaque équipe dans chaque dispositif continue à vivre comme elle l’a toujours fait, mais en créant des ponts entre les équipes pour que les démarches communes et les échanges puissent bâtir une approche mieux articulée. L’exercice n’est pas simple, car la manière de traiter le FSL, par exemple, varie d’un département à l’autre ou d’une métropole à l’autre.

Léopold Carbonnel : Aujourd’hui, dans tous les départements, il y a des personnes précaires qui sont prises en charge par différents services. Cet enjeu de coordination est clairement stipulé dans le PDALHPD (plan départemental d’actions pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées). Mais c’est un outil qui n’est pas toujours suffisant. Notre enjeu, c’est d’établir un échange de pratiques qui puisse irriguer les territoires et venir nourrir les coordinations opérationnelles.

Concrètement, comment cela se passe-t-il ?

Pierre Franc : Nous n’en sommes qu’au début, je le répète. La première réunion, en septembre, avec l’Etat, les collectivités, l’AR Hlm, les bailleurs sociaux, était une réunion de lancement. Une deuxième réunion, celle-ci de travail, a eu lieu en novembre. Notre objectif de départ est simple : mettre autour de la table tous les acteurs, DDETS Conseil départemental et Métropole, et les faire dialoguer en vue de limiter les doublons pour une réinsertion durable des ménages et in fine une optimisation de la dépense publique.

Dans un second temps, nous chercherons à identifier les bonnes pratiques montrant que ce rapprochement a des effets positifs sur la manière dont l’accompagnement social est mené.

Léopold Carbonnel : Un autre objectif est de faire émerger des modalités d’accompagnement plus innovantes. On se rend compte que l’accompagnement vers le logement à travers le FSL atteint quelquefois ses limites. On a des populations qui sont en grande difficulté dans le logement et qui ont besoin d’un accompagnement global pour leur permettre d’y rester.

Il existe le droit commun, évidemment, mais nos modèles sont confrontés à des défis. Il y a des enjeux énormes en matière d’accès aux soins, à la santé mentale et on a besoin de compétences pointues (infirmiers, psychologues, psychiatres…). On ne les a pas partout sur le territoire. L’offre de soins en matière de santé est toujours encore très loin des besoins.

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, avec le Dalo, les sans domicile, les fortes tensions pour l’accès au logement, les besoins sont très importants. Il y a une vraie responsabilité à partager les expériences pour augmenter l’efficacité, permettre l’acculturation et la construction d’équipes pluridisciplinaires.

Est-ce que vous avez une estimation des besoins des ménages en matière d’accompagnement ?

Léopold Carbonnel : C’est une question capitale. Nous n’avons pas encore stabilisé une grille de diagnostic partagé par tous les acteurs. Les associations ont mis en place des critères de base, mais pas de procédures collectives. C’est cette grille de diagnostic partagée qui est attendue dans les cinq territoires régionaux qui expérimentent le plan Logement d’abord. C’est une des figures imposées, la constitution d’une plateforme, d’un guichet unique. Aujourd’hui, on voit que ces plateformes existent à Sophia, à Fréjus, à Aix et se structurent sous l’égide des métropoles pilotes.

Notre ambition régionale est d’utiliser ces métropoles pour échanger les pratiques d’un territoire à l’autre et parvenir à un référentiel partagé. Ça marche dans d’autres régions. Cela nous montre que c’est dans le champ des possibles.

Pierre Franc : Nous sommes dans une région qui a généré cinq territoires d’expérimentation pour le Logement d’abord, la Casa (Communauté d’agglomération de Sophia Antipolis) et NCA (Nice Côte d’Azur) depuis 2018, AMP (Aix-Marseille-Provence), TPM (Toulon Provence Méditerranée), et la Ville d’Avignon en 2020. Dans ces EPCI, existent des coordonnateurs Logement d’abord qui sont des portes d’entrée plus faciles. Il est important de travailler avec ces acteurs-là dans un premier temps.

 

Copyright 2010 © AR Hlm PACA & Corse Le Saint-Georges
97, avenue de la Corse 13007 Marseille
Directeur de la publication : Robin HAMADI,
Rédacteurs : Michel COUARTOU, Anne CHEMIER

Print Friendly, PDF & Email